dimanche 24 novembre 2024 07:34

Danemark : ces ratés de l'intégration qui alimentent l'extrémisme

Les attaques de Copenhague soulignent cruellement les ratés du modèle d'intégration danois, déjà mis en lumière par le nombre important de jeunes musulmans qui rejoignent les rangs des jihadistes de l'Etat islamique.

Plus de 110 personnes sont parties du Danemark pour la Syrie, selon les services de renseignement, ce pays scandinave étant proportionnellement à sa population le deuxième pourvoyeur de jihadistes en Europe.

"Il y a un problème avec l'intégration des jeunes musulmans", constate le politologue Mehdi Mozaffari, un Iranien, professeur de science politique à l'Université d'Aarhus et spécialiste de l'islamisme.
"C'est un problème que n'ont pas les autres jeunes d'origine étrangère, qu'ils viennent d'Amérique latine ou de Chine, parce que les jeunes musulmans arrivent avec des valises pleines de conflits. Ils ont hérité des conflits de leurs parents et ils sont ouverts à une idéologie que ne partagent pas les autres de la même génération", poursuit-il.

Près de 10% de la population du Danemark, qui compte 5,6 millions d'habitants, est d'origine étrangère. Les statistiques officielles recensent 420.000 habitants originaires d'un pays non occidental.
Pour les jeunes issus de l'immigration, les gouvernements danois successifs ont mis l'accent sur l'intégration par une formation et l'accès à l'emploi.

Mais dix ans de politiques de restriction de l'immigration (2001-2011), influencées par un parti populiste de droite qui n'a cessé de gagner des points dans l'électorat, le Parti populaire danois, ont nourri un sentiment pour beaucoup d'entre eux de ne pas trouver sa place dans cette société.

Mjølnerparken, le quartier où a vécu l'auteur présumé des attaques, est réputé pour être un lieu où les problèmes sociaux ne sont pas rares.

Dans cet ensemble d'immeubles de quatre étages, 86% des habitants sont d'origine étrangère, et 46% d'entre eux n'ont pas de travail, dans l'un des pays où le taux d'emploi est le plus élevé de l'Union européenne.

 "Prendre ces jeunes au sérieux"

En face d'un terrain vague transformé en aire de jeux, les immeubles de briques tous dotés de paraboles sont disposés autour de vastes cours avec des équipements pour enfants.

Un agent d'entretien veille à l'état des lieux. Dans la journée, le calme règne.

Rares sont ceux qui acceptent de parler aux journalistes. Ceux qui le font se défendent de vivre dans un "ghetto".

"Quand je dis aux gens que je vis là (...), ils disent : waouh, et me demandent comment c'est", raconte Nasrin, 23 ans, qui étudie pour devenir assistante sociale. Pour elle, Mjølnerparken, c'est avant tout "une grande communauté".

"Quand tu travailles, tu vas à l'école, à l'université, il n'y a pas de problèmes", affirme Zacharios, 50 ans, d'origine palestinienne.

Non loin de là, dans les rues animées de Nørrebro, l'arrondissement où se trouve Mjølnerparken, les enfants sortent de l'école.

Camilla, serveuse de 20 ans, les croise en se rendant à son travail. "J'aime vraiment vivre ici, c'est différent des autres quartiers de la ville, j'aime les gens, l'ambiance, il y a plein de gens différents", dit-elle.
"Dans les sondages, les Danois, même s'ils se déclarent fortement opposés à l'immigration, sont parmi les personnes les plus tolérantes à l'égard de la différence", remarque Sune Laegaard, professeur de philosophie politique à l'Université de Roskilde, spécialiste du multiculturalisme.

Du côté des musulmans danois, l'heure est à la prudence. Selon Jehad Al-Farra, porte-parole du Conseil islamique danois, les attaques ont "blessé la communauté musulmane".

"On a peur que les Danois ne nous sourient plus", explique-t-il.

Selon lui, l'auteur présumé des fusillades a peut-être voulu "faire la révolution dans la société parce qu'il ne réussissait pas dans la société".

"Il faut prendre ces jeunes au sérieux. Jusqu'à présent on n'a pas pris au sérieux l'aspect de l'intégration culturelle. Il faut s'y mettre à l'école dès les petites classes", conseille M. Mozaffari.

17 fév. 2015,Camille BAS-WOHLERT

Source : AFP

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