Pour Abdenajib, Somalien de 15 ans débarqué ce week-end sur la petite île italienne de Lampedusa, la dangereuse traversée de la Méditerranée, qui a récemment englouti des centaines d'autres migrants, n'est qu'une étape d'un vaste périple.
Fuyant les milices islamistes de son pays natal, il est parti il y a plus de deux mois, traversant le Kenya, l'Ouganda, les deux Soudans, pour se retrouver à Tripoli, la capitale libyenne, à la merci de nouvelles bandes armées islamistes.
Abdenajib a ensuite payé plus de 1.000 euros pour arriver à Lampedusa, l'île italienne la plus proche des côtes africaines. C'est encore loin du continent, mais c'est déjà l'Europe, même si son rêve est encore bien plus au nord.
"Je veux aller en Norvège", assure-t-il à l'AFP, sans se montrer vraiment capable d'expliquer ce choix, ni forcément conscient que la règlementation européenne sur l'asile politique l'oblige à déposer sa demande dans le premier pays qu'il atteint. Il a surtout une idée claire: il veut être médecin.
En attendant, il réalise sa chance d'être arrivé à Lampedusa. La semaine dernière, une tempête a coûté la vie à plus de 330 migrants, disparus en mer ou morts de froid sur la navette des gardes-côtes italiens qui tentait de les sauver.
Secouru lui aussi quelques jours plus tard par ces gardes-côtes, après une journée et demie en mer par un temps heureusement plus clément, il a pu appeler sa famille, réfugiée dans un camp au Kenya.
"Je leur ai dit que j'étais en Italie maintenant, c'est bon. Ils voient que je suis toujours en vie", raconte Abdenajib, le téléphone portable encore dans les mains.
'Un miracle que je sois là'
Ses camarades qui l'entourent sourient. Eux aussi ont connu l'enfer et la peur.
"En Libye, les gens sont comme des vampires. Ils n'aiment pas les Noirs. Quand ils voient des Noirs, ils voudraient leur tirer dessus", raconte ainsi Fred, qui vient du Niger.
"Ils sont en train de tuer beaucoup de personnes, c'est pour ça que tout le monde fuit vers la mer", ajoute-t-il.
Adam, qui a fui pour sa part la menace islamiste dans le nord du Mali, ne dit pas autre chose. Tous ont eu maille à partir avec les islamistes, particulièrement en Libye, où le renforcement de l'organisation de l'Etat islamique (EI) préoccupe la communauté internationale.
Pris en chasse par des miliciens, "on s'est mis à courir, certains de mes amis ont été tués. C'est un miracle que je sois là", raconte-t-il à l'AFP.
Entassés dans le centre d'accueil de Lampedusa, totalement dépassé par les arrivées récentes, ces hommes se disent aujourd'hui épuisés, sans argent, mais heureux d'être en vie.
Pour Abdenajib et son compagnon de route Mahmoud, qu'importe que les vêtements fournis par des associations soient trop grands ou les chaussures trop petites. Ils sont juste soulagés d'être arrivés en Europe.
Amateurs de football, ils attendent impatiemment les matchs de la Ligue des champions cette semaine, même s'ils devront sûrement se contenter de les apercevoir à travers les vitres d'un des nombreux bars de l'île.
18 févr. 2015,Arman SOLDIN
Source : AFP