"Bonjour, je m'appelle Mouaz": avec un fort accent arabe, un groupe de Syriens apprend les rudiments du portugais dans une mosquée de Sao Paulo, la mégapole du Brésil, décidés à refaire leur vie après avoir échappé au cauchemar de la guerre.
Le Brésil, qui accueille depuis la fin du 19e siècle une importante diaspora libano-syrienne, est aujourd'hui un refuge pour 1.700 Syriens ayant fui la guerre civile qui a débuté en 2011. Il s'agit du plus grand nombre de réfugiés au Brésil, où vivent 15 millions de personnes d'origine arabe, et dans le reste de l'Amérique latine.
Arrivés avec deux ou trois valises pour tout bagage, leur adaptation débute par l'apprentissage de la langue.
Mouaz Tawakalna, un ingénieur en télécommunications de 28 ans, a du mal à prononcer les mots nouveaux. Il raconte en arabe, traduit à l'AFP par l'un de ses amis, qu'il est au Brésil depuis une semaine.
"J'ai besoin d'apprendre à parler portugais pour m'intégrer et communiquer avec les gens. Je veux faire ma vie ici", dit-il.
Urbains et professionnels
Le quartier populaire de Bras est plein de boutiques de vêtements, de petits restaurants, dans une agitation constante typique du centre de Sao Paulo.
Dans la mosquée du quartier le bénévole Ahmed Masmud, 28 ans, aide les nouveaux arrivants.
"Je suis ingénieur biomédical. Ici à Sao Paulo, j'ai travaillé comme vendeur de vêtements et maintenant je suis superviseur de production dans une usine de textiles. La politique ne m'a jamais intéressé, je n'ai pas participé aux manifestations, mais comme j'avais terminé mes études je devais faire mon service militaire en pleine guerre et je n'ai pas voulu: c'était mourir ou tuer", dit-il.
La mosquée est l'un des centres d'accueil de la mégapole, porte d'entrée des Syriens au Brésil. Des ONG et des organismes comme Caritas (catholique) les aident également.
"Il y a environ 1.700 réfugiés syriens au Brésil et ils sont déjà le groupe le plus important par pays d'origine", explique à l'AFP Luiz Fernando Godinho, porte-parole du Haut commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR). Une situation "totalement liée à la guerre", selon lui.
Il y a 7.000 réfugiés au Brésil, et dans le cas des Syriens tous ceux qui ont sollicité ce statut l'ont obtenu, explique M. Godinho.
Les Syriens qui parviennent à entrer au Brésil viennent en général des agglomérations urbaines et ont un métier, selon le HCR. Beaucoup sont des hommes seuls, d'autres sont venus avec toute leur famille. Certains sont musulmans, d'autres chrétiens, d'autres encore sans religion.
"Je ne suis pas musulman, je suis communiste", déclare Victorios Bayan, un journaliste de 39 ans, "opposant au gouvernement de Bachar al-Assad avant la révolution", arrivé depuis deux mois à Sao Paulo. Il suit aussi des cours de portugais à la mosquée, et lorsque le cours s'arrête pour la prière, lui en profite pour sortir fumer.
"J'ai été arrêté, frappé et maltraité", explique-t-il entre deux bouffées de cigarette. "Quand pourrai-je rentrer en Syrie ? Y aura-t-il une solution ?"
La famille de Talal
Talal al-Tinawi, 42 ans est arrivé en 2013 avec sa femme et ses deux enfants. Ils ont passé trois mois chez un Brésilien d'origine syrienne. Désormais, ils louent un appartement dans une rue sombre du centre-ville. Il y a deux semaines, la petite Sara est née, la Brésilienne de la famille.
"Nous sommes arrivés ici sans rien savoir du Brésil", raconte Talal, qui a quitté le Syrie après avoir été détenu quelques mois.
Grâce au soutien de la communauté arabe, il a trouvé un emploi semblable à celui qu'il avait à Damas, dans une entreprise d'ingénierie.
Gazhal, l'épouse de Talal, porte le voile et leur fille de 10 ans, Yara, le portera aussi bientôt.
"Je ne sais pas comment cela va se passer ensuite, quand les enfants auront grandi. Mais une chose est sûre, maintenant on est vraiment mieux ici", assure Talal.
11 mars 2015,Natalia RAMOS
Source : AFP