La mission parlementaire présidée par André Gerin va rendre son rapport le 26 janvier. Elle va demander, dans une proposition de résolution, que le port du voile intégral soit «prohibé sur le territoire de la République».
LE FIGARO. À titre personnel, êtes-vous favorable à une loi pour interdire le port de la burqa en France ?
André GERIN. Sur le principe, bien sûr. D'ailleurs, au sein de la mission parlementaire, personne n'est opposé à cette idée. Le problème, c'est le contenu de la loi, qui doit être élaborée de façon pluraliste, en prenant le temps nécessaire. J'espère que nous obtiendrons un point de vue partagé par toutes les sensibilités de l'Assemblée nationale.
Que pensez-vous de la proposition de loi portée par Jean-François Copé, qui préconise l'interdiction du voile intégral dans tout l'espace public ?
Sur la méthode, je considère que Jean-François Copé confond vitesse et précipitation et qu'il se comporte comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Je note que le président du groupe UMP ne faisait pas partie des 58 députés signataires, en majorité UMP, d'une demande de création, en juin 2009, d'une commission d'enquête sur le sujet. Sur le fond, s'il s'agit vraiment d'une contribution, je la mettrai dans le dossier des travaux de la mission parlementaire. Mais le problème de l'espace public, c'est-à-dire la rue, est très délicat. Cela dépasse complètement la question du voile intégral en tant que tel.
Quel pourrait être le cadre d'une loi susceptible de recueillir un consensus ?
Il faut prendre en compte les notions d'ordre public, de dignité de la femme, de relations avec autrui. Pour être efficace, cette loi doit aller dans le sens de la libération des femmes contraintes. Car se couvrir le visage, ce n'est pas un vêtement, c'est un linceul, ce qui signifie la négation de l'identité, de la personnalité. Je suis tout à fait d'accord avec Martine Aubry quand elle dit que cela ne doit pas être une loi de circonstance. Il faut traiter aussi le problème des talibans français, qui obligent ces femmes mineures ou majeures à être voilées. Je désigne par le terme de taliban le mari, le grand frère, la famille, voire le quartier, car il y a une sorte de charia dans certains quartiers. Et le voile intégral, c'est la partie visible de cette marée noire de l'intégrisme fondamentalisme.
Marie-George Buffet, la secrétaire nationale du PCF, est totalement opposée à une loi qui risquerait de « stigmatiser l'islam ». Comment réagissez-vous ?
Je pense qu'au sein du Parti communiste, on n'est pas sorti de l'angélisme. Il n'y a eu aucun débat sérieux sur le sujet, y compris au plus haut niveau. Et je ne suis pas sûr que la majorité des communistes partage l'avis de la direction. Ce qui est gravissime, c'est la complaisance d'une partie de la gauche.
Avez-vous, comme président de cette mission, découvert des réalités que vous ne soupçonniez pas ?
En six mois, j'ai découvert que le problème est encore plus grave que je ne pensais. Dans certaines entreprises du CAC 40 se constituent des syndicats religieux ou communautaristes qui remettent en cause la mixité au travail, ou la tenue vestimentaire des femmes. Dans certains établissements scolaires, 50 % des jeunes filles mineures sont exonérées de gymnastique ou de piscine, et des gamins contestent les cours d'histoire ou de sciences naturelles. Les enseignants nous supplient de les aider. En milieu hospitalier, des médecins hommes sont menacés individuellement par des gourous qui accompagnent des femmes voilées et qui exigent que leurs médecins soient des femmes. Une chose est sûre : dans les lieux ouverts au public, ce sera comme une lame de couteau. L'interdiction du voile intégral sera absolue.
Quel rôle peut jouer le Conseil français du culte musulman ?
Je demande à ses dirigeants d'avoir une voix plus forte pour combattre l'intégrisme à leur manière. Il faut que l'islam soit « républiquement compatible».
Source : Le Figaro