INTERVIEW : Hervé Maurey, sénateur UDI et auteur d’un rapport sur les lieux de cultes.
Un pas en avant, un pas en arrière. Et finalement, un pas de côté… Sans le dire explicitement, un rapport, adopté mardi par le Sénat, pointe les insuffisances de la loi de 1905 face à la question des financements des lieux de culte par les collectivités locales. Sénateur UDI de l’Eure, Hervé Maurey, le rapporteur, détaille en exclusivité pour Libération les principales préconisations qui donneront lieu à un débat parlementaire et à une proposition de loi à l’automne.
Dans votre rapport, vous demandez un plan public de financements des constructions de lieux de culte, certifié par des commissaires aux comptes. Y a-t-il un problème de transparence ?
C’est évident. Aujourd’hui, nous n’avons aucune information - et je dis bien aucune - sur la manière dont les lieux de culte qui se construisent sont financés, en premier lieu les mosquées.
Pourquoi n’avons-nous pas d’informations fiables ?
Parce qu’aucune règle de transparence n’a jamais été posée. Avec des règles, nous saurions qui finance et nous pourrions aussi comprendre pourquoi et dans quel but. Nous avons besoin de savoir si certains doutes sont fondés ou non. Des financements de lieux de culte ont déjà interpellé Tracfin, les services du ministère des Finances qui surveillent les éventuels blanchiments d’argent.
Faudrait-il interdire les financements étrangers, comme vient de le décider l’Autriche ?
A ce stade, je ne le pense pas. La transparence est déjà un premier pas.
Vous souhaitez également clarifier l’usage des baux emphytéotiques, accordés par les communes. Pourquoi ?
Ces baux emphytéotiques sont une bombe à retardement. Le principe du bail emphytéotique est que le propriétaire met à disposition le terrain pour un nombre déterminé d’années. Au terme du bail, l’édifice construit appartient au propriétaire du terrain. Dans un proche avenir, les municipalités vont ainsi devenir les propriétaires d’une série d’églises catholiques construites avant guerre, comme c’est le cas pour une trentaine d’entre elles à Paris. Ce sont des bâtiments qui ont des coûts d’entretien élevés. Aujourd’hui, ce sont les églises catholiques mais demain, nous aurons les mêmes problèmes avec les mosquées. A Montreuil, la mosquée est ainsi édifiée sur un terrain municipal grâce à un bail emphytéotique.
Vous demandez aussi une transparence dans les financements par les municipalités des parties culturelles d’édifices religieux…
La jurisprudence du Conseil d’Etat a autorisé les communes à financer des équipements ou des parties d’équipements à vocation culturelle et non pas cultuelle. Mais c’est souvent dans le même bâtiment. La frontière entre le cultuel et le culturel est assez ténue. Nous suggérons qu’il y ait un décret du Conseil d’Etat qui délimite tout cela. Dans certains cas, il y a une hypocrisie dans la distinction et la partie culturelle a pu être injectée pour que la totalité de l’édifice puisse être subventionnée.
Concrètement, vous proposez des aménagements à la loi de 1905, en fait…
Il n’y a rien dans le rapport et dans nos propositions qui remettent fondamentalement en cause la loi de 1905. Ce sont des dispositions législatives qui vont permettre de la compléter ou de la rendre plus efficiente.
N’y a-t-il pas, comme vous le dites, une certaine hypocrisie ?
Oui. On parle de la loi de 1905 comme si elle était quelque chose d’intangible. En fait, elle a considérablement évolué du fait de la jurisprudence. Mais la jurisprudence est toujours un peu incertaine. C’est pour cela que nous demandons la clarification sur certains points.
Le halal, comme certains l’évoquent, pourrait-il financer l’islam de France ?
Il ne faut pas céder à la moindre idée qui passe. Faut-il instaurer une taxe sur le halal ? Je ne suis pas personnellement favorable à ce type de mesures. Et après ce serait une taxe sur quoi ? Je trouve cela un peu gadget.
17 mars 2015, Bernadette SAUVAGET
Source : liberation.fr