dimanche 24 novembre 2024 04:45

​L’Espagne entame la délocalisation de l’accueil de ses demandeurs d’asile

L’Espagne externalise la gestion des demandes d’asile au-delà de ses frontières. Elle vient d’inaugurer  deux bureaux d’accueil dans la bande de terre séparant les présides occupés de Sebta et Mellilia du reste du Maroc.

Les 15 agents de la Guardia civil affectés dans chacun de ces deux bureaux seront chargés d’identifier les migrants en droit de demander une protection internationale et d’assurer  le traitement de leurs dossiers dans un délai de huit jours. Les demandes seront examinées et résolues, comme ce fut le cas jusqu'à présent, par le bureau de l'asile et des réfugiés relevant du ministère de l'Intérieur à Madrid. 

Pour plusieurs acteurs associatifs œuvrant dans le domaine de la migration et de l’asile, l’initiative espagnole n’est qu’une traduction concrète des  politiques européennes actuelles qui visent principalement à maintenir les migrants et les demandeurs d’asile en dehors des frontières de l’UE. 
En fait, l’idée de gérer les demandeurs d’asile à l’extérieur de l’UE a déjà été exprimée par les Britanniques au début de l’année 2003. Elle avait pour objectif de renvoyer les demandeurs d’asile arrivant sur le territoire européen  vers une « zone de protection » et d’autoriser l’accès aux seules personnes reconnues en tant que réfugiés.  Déjà, à cette époque, plusieurs « zones » avaient été envisagées. Parmi elles, le Maroc et le Zimbabwe avaient été désignés pour regrouper les Africains,  la Turquie ou l’Iran pour les Irakiens et le Nord de la Somalie pour regrouper les Somaliens. Des « centres de transit et de traitement » avaient été également  envisagés dans les régions bordant l’Europe, telles la Roumanie, la Croatie, l’Albanie ou l’Ukraine.  

Pourtant, l’initiative espagnole suscite moult questions.   Les ONG marocaines se demandent si l’ouverture d’un tel bureau a reçu l’aval du Royaume.  Et si la réponse est affirmative, est ce que cela suppose qu’il y a eu arrangement entre les deux pays ?  Y aura-t-il aussi coordination entre eux dans le traitement du dossier d’asile puisqu’ils  sont signataires de la Convention de Genève de 1951 ? 

D’autres questions et non des moindres s’imposent : Quel sort sera-t-il réservé aux personnes déboutées ? Vont-elles demeurer en territoire marocain ou être refoulées vers leurs pays d’origine ?

Le Maroc va-t-il se charger de leur refoulement ? Et qu’en est-il des  personnes en attente de dépôt de leurs dossiers ? Seront-elles sous protection marocaine et espagnole ?  Et qui sera chargé de leur fournir un toit et de la nourriture ? 

Et least but last, le Royaume accepter de jouer le rôle de concierge pour l’Espagne en ouvrant ses frontières devant les personnes qui cherchent une protection internationale sous les cieux européens ? Y aura-t-il davantage de contrôles et de pressions sur les migrants ? 

Pour nos sources associatives, la politique d’externalisation risquerait  d’engendrer des problèmes politiques et humanitaires. D’ailleurs, les tentatives de délocalisation des procédures d'asile dans des centres frontaliers ou limitrophes menées par l'Union européenne ont abouti, au cours des années 2000, à une prolifération des camps d'exilés dans/et autour de l’UE ainsi que l’accentuation des pressions exercées sur les pays voisins pour y développer des systèmes d'asile et d’examen des demandes et une radicalisation des enjeux politiques anti-migratoires.     

19 Mars 2015, Hassan Bentaleb

Source : Libération

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