dimanche 24 novembre 2024 04:30

France: des cheminots marocains dénoncent une "discrimination" pendant leur carrière, veulent "réparation"

Ils achèvent leur carrière avec le sentiment de s'être "fait avoir": en France, 832 cheminots de nationalité ou d'origine marocaine demandent "réparation" à la Société nationale des chemins de fer (SNCF) pour discrimination durant leur carrière.

Embauchés comme contractuels par la SNCF dans les années 70, donc avec un contrat de droit privé, environ 2.000 Marocains n'ont jamais pu bénéficier du statut particulier des cheminots en France, qui offre garantie d'emploi et avantages en matière de protection sociale et de retraite.

La plainte de 832 de ces "Chibanis de la SNCF" sera examinée à compter de lundi et jusqu'au 27 mars devant les Prud'hommes de Paris, des tribunaux spécialisés en droit du travail.

Ces salariés et retraités venus du Maroc réclament en moyenne 400.000 euros de dommages et intérêts, dont la moitié au titre du préjudice de retraite. Le jugement devrait être rendu ultérieurement.
Agent "de mouvement", "reconnaisseur", "aiguilleur", "au charbon" ou "au graissage" : Abdel (prénom modifié à sa demande) a enchaîné les postes en banlieue de Paris après avoir été débauché d'un village minier de l'Atlas marocain.

"On a fait le même boulot mais on n'avait pas les mêmes avantages que les collègues français pour la retraite, la médecine ou les jours de carence", explique ce Franco-marocain. "On calait les wagons. C'était dur l'hiver de faire l'attelage des trains de 700 mètres mais quand il fait chaud c'est pire", lâche-t-il.
"On était des cheminots aptes à tout, disponibles à Noël", témoigne Abdelghani Azhari, envoyé à la gare de triage d'Achères, en banlieue parisienne, où il était logé avec d'autres dans un foyer préfabriqué.
Ces cheminots "ont travaillé dans des conditions difficiles, faisaient exactement les mêmes tâches que leurs collègues français au statut mais ont vu leurs carrières bloquées et ont eu des retraites moindres", plaide Me Olivier de Boissieu, l'un de leurs avocats.

Les cheminots marocains, précise sa consoeur Clélie de Lesquen-Jonas, "ne remettent pas en cause le statut", ils demandent l'application du principe "à travail égal, salaire égal".

 'Frustrant'

Alors que les deux tiers des cheminots finissent agents de maîtrise, les Marocains ont été condamnés statutairement "à rester des agents d'exécution", dit-elle.

En face, la SNCF réfute toute discrimination. Pour l'avocat de compagnie ferroviaire, qui invoquera également la prescription des faits, il n'y a "nullement discrimination", "on compare l'incomparable (...) la SNCF, entreprise publique, a deux statuts pour ses salariés, la loi le prévoit comme ça", considère Me Jean-Luc Hirsch.

"On n'a pas été traités à égalité. Je ne peux pas m'empêcher de ressentir un sentiment d'humiliation", répond Ben Dali, 63 ans, l'un des porte-parole de l'association des cheminots marocains.
Avec émotion, il évoque "la souffrance des veuves marocaines", condamnées à réclamer de petites aides gouvernementales alors que les épouses des cheminots français "reçoivent immédiatement une pension". Six plaignants décédés sont représentés par leurs ayant-droits.

"J'ai formé des collègues qui, eux, ont évolué et sont devenus mes chefs, c'est très frustrant", témoigne un autre Marocain, toujours en activité, refoulé à plusieurs examens.

Une partie des cheminots marocains ont raccroché à 55 ans, usés. "Je n'en pouvais plus, j'étais blessé des pieds à la tête alors je suis parti en 2010 quand ils m'ont proposé une prime de 16.000 euros", confie Aziz (prénom modifié), un cheminot entré en 1974. "J'ai eu un grand choc en découvrant le montant de ma retraite de base: 1.004 euros", avoue-t-il.

"On aimait nos collègues, notre métier, on l'a fait avec joie, dit-il en implorant: je voudrais que la SNCF fasse quelque chose pour nous".

21 mars. 2015

Source : AFP

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