La mise en oeuvre des principes constitutionnels, notamment celui relatif à la non-discrimination, requiert "le renforcement de l'arsenal juridique", mais aussi "un travail de fond" qui doit impliquer tous les canaux de socialisation et de transmission culturelle, en particulier l'école et les médias, a assuré le président du Conseil national des droits de l'Homme, M. Driss El Yazami.
"Une des portes d'entrée principales pour concevoir une politique intégrée en la matière est le Plan d'action de Rabat contre l'incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse", a indiqué le président du CNDH, dans une interview accordée à la MAP à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, célébrée samedi.
"La société civile a un rôle primordial à jouer, comme en témoignent les efforts déployés, par exemple, par les ONG spécialisées dans le domaine des droits des migrants ", a ajouté M. El Yazami.
Au sens de la convention internationale sur l'élimination de toutes formes de la discrimination raciale, l'expression "discrimination raciale" vise "toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique".
Partant de cette définition, le CNDH, a poursuivi M. El Yazami, joue, dans le cadre des attributions qui lui sont dévolues, un rôle de protection contre ces types de discrimination, ainsi qu'un rôle de promotion et de diffusion de la culture des droits de l'Homme en la matière.
"Si le CNDH n'a jamais été saisi d'une plainte portant directement sur la discrimination raciale, il est néanmoins intervenu pour attirer l'attention aux certaines manifestations de la xénophobie notamment dans la presse écrite", a-t-il relevé, ajoutant que "le Conseil s'est penché ces deux dernières années sur un chantier plus structurel qui est le renforcement du dispositif juridique national en matière de lutte contre les discriminations".
C'est dans ce cadre, a affirmé M. El Yazami, qu'il a proposé la révision des dispositions pénales relatives à la discrimination, l'introduction des tests de discrimination dans le code de procédure pénale, ainsi que le renforcement des attributions du CNDH pour qu'il exerce des compétences dévolues au mécanisme de réception des plaintes des personnes victimes de discrimination (conformément à l'article 14, alinéa 2 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale), sous réserve des attributions dévolues à l'Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination (APALD) qui aura un mandat spécifique qui porte sur les discriminations de genre, conformément aux articles 19 et 164 de la Constitution.
Le préambule de la constitution du Royaume, qui fait partie intégrante de la Constitution, annonce deux engagements principaux en matière des droits de l'Homme, a indiqué M. El Yazami. Il s'agit de l'engagement d'accorder aux conventions internationales dûment ratifiées par le Maroc, dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, la primauté sur le droit interne du pays, et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de la législation nationale.
Le même préambule engage le Maroc à bannir et combattre toute discrimination à l'encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l'origine sociale ou régionale, de la langue, de l'handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit.
S'agissant du rôle dévolu à l'APALD, M. El Yazami a fait savoir que le premier mémorandum publié par le Conseil portait sur cette instance, ajoutant que ce mémorandum est le résultat d'une étude comparative de plusieurs organes de lutte contre les discriminations.
"Une des conclusions phares de ce travail était la proposition d'attribuer un mandat spécifique à l'APALD et qui porte sur les discriminations basées sur le genre", a-t-il noté, soulignant que cette proposition est compatible avec les dispositions des articles 19 et 164, complète le mandat général de protection et de promotion des droits de l'Homme attribué par l'article 161 de la Constitution au CNDH et permet également d'assurer une meilleure complémentarité et cohérence du système national de protection des droits de l'Homme.
Concernant la protection des droits des étrangers et migrants, M. El Yazami a fait savoir que plusieurs études sociologiques comparées ont démontré que les processus d'intégration des migrants sont toujours complexes et porteurs de risque de montée des discours et des attitudes xénophobes.
"Notre pays jouit d'un avantage culturel comparatif vu la diversité de sa composition, reconnue d'ailleurs par la Constitution", a-t-il dit.
Pour M. El Yazami, il est très important de souligner qu'aucune force politique marocaine n'a adopté des programmes politiques xénophobes ou hostiles à l'égard des migrants et des étrangers en général.
"Ces deux avantages doivent être consolidés essentiellement à deux niveaux, le renforcement du système national de protection contre toutes les formes de discrimination, ainsi que la promotion de la culture des droits de l'Homme, et le renforcement des messages de la diversité et de la tolérance qui doivent être véhiculés notamment par l'école et les médias", a-t-il conclu.
21 mars. 2015,Rachid Maboudi
Source : MAP