Lola Pidoux, 22 ans, vit à Bagnolet ou elle est née : "Je suis française, avec des origines grecque, espagnole et suisse. L'identité, c'est une question très compliquée quand on n'est pas encore complètement aboutie, quand on est jeune comme moi. Lorsque j'étais petite, je ne voulais pas être simplement française parce que j'étais entourée de plein de gens qui n'étaient pas simplement français."
Tout autant que son visage grave au regard clair, ce sont les propos rapportés par le photographe Denis Rouvre (La Croix du 19 mars) qui retiennent l’attention. Dans son tour de France, qui accompagne l’enquête sur la « France des territoires », il a rencontré Lola ; elle a 22 ans et vit en région parisienne ; elle a des origines suisses, grecques et espagnoles. Elle trouve la question de l’identité « compliquée », « surtout quand on n’est pas complètement aboutie, qu’on est jeune comme moi », dit-elle. Qu’elle se rassure, Lola : qui peut se dire « complètement abouti », même l’âge venu ? N’est-ce pas le propre de l’homme de se construire jour après jour, de se chercher jusqu’au bout de sa course ?
L’identité, celle des racines auxquelles puiser, n’est pas à jamais figée, définie une fois pour toutes. La naissance dans un lieu, une région, une famille, un pays, un continent ne suffit pas à dire qui l’on est, ni même d’où l’on est, tant parfois les radicelles des arbres généalogiques sont longues et diverses. La religion, par exemple, essentielle dans la définition d’une identité, parfois héritée, parfois de génération spontanée, toujours à confirmer, ne constitue pas un critère immuable. Cette identité s’enrichit en outre de liens nouveaux, nourris par un mariage, une vie professionnelle lointaine, des attachements à des milieux qui vous font « montagnard » ou « marin ». Identités reçues, identités électives…
La question de l’identité, si intime, est devenue grandement politique. Les vagues successives d’immigration ont changé le visage de la France, comme celui des autres pays européens. Des populations venues d’ailleurs se sont parfois – volontairement ou par force – enfermées en communautés, voire en ghettos ; elles se sont également – on en parle moins – largement mêlées à la population plus ancienne (au fait, combien de grands-parents « de souche » faut-il avoir pour être vraiment « de souche » ?) en d’heureux métissages.
Ce pluralisme d’origines, qui s’accompagne d’un pluralisme de cultures et de religions, n’en demeure pas moins un véritable défi. La réponse est-elle dans l’exclusion ou dans l’assimilation ? La notion d’« intégration » paraît ne plus avoir la cote, peut-être parce que le mot ne semble pas assez souligner les devoirs des intégrés vis-à-vis du pays intégrateur : l’obligation de reconnaître ses lois, sa langue, son mode de vie. Pourtant, l’intégration, qui implique l’acceptation de son nouvel environnement et l’envie d’y trouver sa place – mais aussi le désir des accueillants d’élargir l’espace de leur tente – est un bel horizon, qui ne prétend pas gommer la profondeur et la complexité de ce qui fait une identité. Jamais pleinement aboutie, nous rappelle Lola.
23/3/15, Dominique Quinio