Le Laboratoire de Recherche en Gestion, Economie et Sciences Sociales (LARGESS) de la Faculté Polydisciplinaire d’El Jadida (FPJ), a organisé du 25 au 26 mars 2015 à la Faculté Polydisciplinaire le Colloque National sur « les migrations Sud-Nord-Sud »
« Ce colloque se veut une rencontre de réflexion collective autour des approches relatives à la mobilité humaine à l’échelle internationale et à leur appréciation suivant les nouvelles tendances de l’environnement économique et financier d’aujourd’hui », indique Chafik Abdelaziz, doyen de la FPJ. Et d’ajouter : « Il se propose ainsi d’étudier les fondements théoriques et pragmatiques de la mobilité humaine selon les différentes approches relevant de divers courants de pensée; de s’interroger sur l’historique et l’évolution de la mobilité humaine à l’échelle internationale et son impact sur la recomposition économique et sociale au sein des territoires d’accueil et de départ ; d’ étudier la contribution des migrants étrangers dans le processus de croissance et de développement de leur pays d’origine et des espaces d’immigration; d’évaluer et analyser les répercussions de l’actuelle crise financière internationale sur la situation des migrants du Sud et surtout de sensibiliser les acteurs de la gouvernance migratoire, en l’occurrence les pouvoirs publics (ministères, fondations), les instances de recherche scientifique (observatoires, laboratoires, centres) et les organismes non gouvernementaux (associations, société civile), sur la nécessité de créer entre eux une forte synergie permettant la concrétisation de leurs plans d’action à la faveur des migrants étrangers».
Partant de ces objectifs, explique pour sa part M. Tarik Kasbaoui, président du Laboratoire de Recherche en Gestion, Economie et Sciences Sociales (LARGESS) de la Faculté Polydisciplinaire d'El Jadida (FPJ), les participants ont été invités à apporter leurs précieuses recherches et expériences à cet événement scientifique, qui s’est déroulé en des séances plénières d’une journée et demie. Et d’ajouter : Leurs fructueuses communications ont porté sur de nombreux volets et thématiques fondés sur certains axes de réflexion. Les trois principaux volets portent respectivement sur les thèmes de la « Mobilité humaine internationale et recomposition socio-économique et spatiale » ; les « Migrations et économie sociale et solidaire : quel impact sur les territoires d'émigration? » ; les «Nouvelles tendances des migrations : enjeux, défis et perspectives », précise M. Kasbaoui
Ce colloque intervient dans une conjoncture marquée par la migration internationale confère aux pays de départ et de destination plus de dynamisme et d'efficacité économique. Elle est un phénomène sociétal majeur touchant toutes les nations. Il s’agit d’un phénomène qui n’est pas récent dans la mesure où l’homme, de par sa nature, surpasse la notion de territorialité. La migration est multiforme et concerne des individus, des groupes et des communautés. Les raisons de la migration sont multiples, et ce, en fonction des conjonctures locales ou internationales (persécution sous toutes ses formes, guerres, catastrophes naturelles, découverte, emplois…). En tant que phénomène ancien, les différentes approches y afférentes peuvent être distinguées et différenciées selon les époques, la nature, les raisons, la destination, etc.
Certaines approches portent aujourd’hui sur la « migration inversée » et la « migration qualifiée » comme étant deux nouvelles formes de la migration internationale. Ainsi, les partisans de la migration avancent que celle-ci constitue une véritable source de mobilité humaine qui s’opère à l’échelle internationale, permettant le peuplement de certaines régions du monde (Amérique du Nord), la reconstruction des États ayant été affaiblis par diverses périodes de guerres (Europe), la reconversion de certains territoires en des activités à vocations nouvelles (agricole, industrielle, commerciale ou de services) et l’émergence de nouveaux pôles ou espaces de croissance et d’intelligence économique. Il s’agit en fait d’une véritable « recomposition socio-économique et spatiale » de cette mobilité.
Compte tenu de ces retombées positives, et dans la perspective de prévenir les effets pervers de la migration internationale (délinquance, criminalité, terrorisme…) sur les territoires de destination, des efforts doivent être conjugués entre les pays de départ et les pays d’accueil. Néanmoins, en dépit des efforts déployés, la gestion des flux migratoires reste encore un sujet au stade d’expérimentation, tels les programmes d’actions engagés qui se répètent et se succèdent d’une année à l’autre. Il s’agit d’une gestion montrant l’existence d’un manque de visibilité très éprouvé par les politiques migratoires instaurées qui demeurent sectorielles, non cohérentes ni intégrées pour tirer vers le bas ce phénomène à multiples dimensions de plus en plus complexes. Les recherches et productions scientifiques le concernant sont si considérables et incessantes.
Certaines investigations portent sur la relation existante entre la migration et le développement ; d’autres s’attèlent à l’étude de l’impact des transferts de fonds des migrants étrangers sur l’économie de leur pays d’origine à différentes échelles spatiales (locale, régionale, nationale) et s’interrogent d’ailleurs sur la qualité de vie sociale de leurs familles qui en bénéficient (atténuation à la pauvreté, amélioration du pouvoir d’achat...). Actuellement, les débats y afférents portent sur les deux formes susmentionnées de la migration internationale ayant bouleversé le schéma traditionnel d’émigration que l’actuelle crise financière internationale a pu instaurer durant la dernière décennie de ce siècle. Cette crise, ayant fortement touché le monde occidental et qui ne semble pas ralentir dans le moyen terme, a amené les pays de l’Union Européenne à opter pour une politique d’immigration à l’encontre des migrants du Sud, et ce, pour freiner les flux migratoires et lutter contre le développement des réseaux clandestins ou pour juguler l’émigration illégale. En fait, les mesures restrictives prises par les pays de cette Union ont eu des effets pervers sur la situation économique et sociale de ces migrants devenant de plus en plus difficile à l’heure actuelle. La Méditerranée étant la zone la plus affectée par les conséquences de ces mesures ; car c’est une zone caractérisée par un fort taux d’émigration à destination du continent européen.
En tant que pays maghrébin appartenant à cette zone, le Maroc constitue un important bassin migratoire de telle sorte que la migration marocaine vers l’Europe s’est généralisée à l’ensemble des régions du Maroc et a touché tous les profils et catégories socio-professionnelles. L’on constate à cet égard une nette augmentation des flux migratoires marocains vers l’Italie, l’Espagne et la France dès le début des années 80. Le taux d’émigration marocaine vers la zone euro a atteint des niveaux sans précédent, soit plus de 100% en une seule décennie (1990-2000). Toutefois, l’on remarque, dès la fin du siècle antérieur, une nouvelle génération de migrants marocains composée de jeunes diplômés, des cadres et des professionnels de différents secteurs et branches d’activités socioéconomiques. Il s’agit d’une récente tendance en évolution constante, caractérisée par une « fuite de cerveaux », devenant certes une réalité évidente pour le Maroc de demain.
En tant que pays arabe africain, et dans le cadre de la « migration inversée », le Maroc devient une terre d’accueil la plus privilégiée pour les migrants étrangers subsahariens (migration Sud-Sud). Cette nouvelle donne a mené le pays d’opter récemment pour l’instauration d’une nouvelle politique de protection des droits des migrants et réfugiés subsahariens établis sur le territoire national. Cette politique s’inscrit dans le cadre de l'initiative royale visant le traitement de la problématique de la migration dans une approche globale et intégrée ; une initiative qui caractérise un fait marquant et historique du pays. Il s’agit d’un très grand chantier qui mérite d’être soutenu par nos partenaires européens dans le cadre d’une coopération multilatérale rénovée (statut avancé). Du côté des Marocains Résidant à l’Étranger (MRE), le gouvernement marocain devra engager à leur faveur une véritable stratégie de dimension économique et sociale très éprouvée. En conséquence, au regard de l’ampleur des principales problématiques migratoires posées à l’heure actuelle tant nationales que sur le plan international, le Maroc est-il bien préparé pour contenir tous les problèmes socio-économiques qui en découlent, notamment l’insertion des MRE et des migrants subsahariens dans le tissu socio-économique productif et la satisfaction de leurs besoins fondamentaux (santé, éducation, équipements collectifs…) pouvant grever lourdement sur le budget de l’État déjà ébranlé par la crise économique ?
30/3/2015, Mohamed LOKHNATI
Source : lopinion.ma