"Si vous venez au Danemark, vous devez travailler", le message qui barre depuis quelques semaines affiches et panneaux au centre de Copenhague est signé la Première ministre Helle Thorning-Schmidt. Derrière son sourire charmeur, la politicienne de gauche, en mode pré-électoral, affiche une attitude de fermeté à l'heure où la politique migratoire s'annonce comme un des enjeux clés.
A la veille des législatives que Mme Thorning-Schmidt doit convoquer avant le 15 septembre, la rhétorique sur l'immigration est clairement de plus en plus à droite au royaume nordique.
Elue en 2011 avec la promesse d'une politique migratoire plus humaine, la chef des sociaux-démocrates, à la tête d'une coalition de centre gauche, semble prendre un virage aujourd'hui vers une approche plutôt restrictive, estiment les observateurs.
Ses partisans s'en défendent. La campagne autour du nouveau plan pour l'accès des immigrants à l'emploi baptisé: Tout le monde doit contribuer, est en droite ligne, avancent-ils, de la philosophie du parti qui considère la contribution à la société un préalable à la réclamation d'avantages sociaux.
Pourtant, dès son discours de nouvel an 2015, Mme Schmidt a annoncé la couleur: l'intégration est-elle réussie? Non. La vérité, c'est que la plupart se retrouve au Revenu Minimum d'Insertion .
"Je vais le dire très clairement, les immigrés ne doivent pas devenir des clients", a-t-elle poursuivi dans une assertion qui rappelle le discours populiste assimilant les immigrés à une charge pour la société.
Dans ce pays de 5,4 millions d'habitants, les voix ne cessent de s'élever pour affirmer que l'Etat-providence, système danois de protection sociale généreux, doit profiter avant tout aux nationaux.
Si la démarche de la Première ministre a suscité les critiques parmi certains de ses alliés de gauche pour avoir cédé au discours de droite, elle a surtout attiré les foudres de ses détracteurs au sein du bloc conservateur et son allié populiste xénophobe.
Le plus grand parti d'opposition, +Venstre+ (social-libéral), partisan d'une ligne dure notamment pour les non-occidentaux de confessions musulmanes, a taxé de "déception" la stratégie du gouvernement.
De son côté, le Parti du peuple danois (PPD-Dansk Folkeparti), auréolé de sa percée aux dernières élections européennes, a accusé les sociaux-démocrates de vouloir le copier en tenant un discours anti-immigration dans l'espoir de gagner les faveurs de l'électorat déçu par les politiques de gauche.
Cette formation avait soutenu le précédent gouvernement conservateur pendant dix ans (2001-2011), et inspiré les principales mesures restrictives à l'immigration en vigueur aujourd'hui au Danemark.
Sur l'accès à la citoyenneté, le droit des époux, l'admission des réfugiés ou le regroupement familial, le pays nordique est doté de législations parmi les plus restrictives d'Europe.
A en croire un récent sondage du quotidien conservateur Jyllands-Posten, les Danois sont aujourd'hui plus enclin à voter pour un parti partisan d'un contrôle encore plus rigoureux du flux migratoire.
Près de 13 pc d'entre voterait pour une formation dont la politique migratoire est encore plus stricte que celle du PPD, selon la même source.
Aussi pour riposter à la démarche des sociaux-démocrates, cette formation populiste propose-t-elle aujourd'hui que les demandeurs d'asile n'accèdent au regroupement familial qu'après l'obtention d'un permis de résidence permanent au Danemark, une procédure qui peut durer jusqu'à cinq ans.
Aux dernières élections européennes, le Parti populaire a remporté le tiers des voix et de récents sondages le créditent d'un score de 20 pc aux prochaines législatives contre 13 pc en 2011.
Dans une société traditionnellement homogène, le flux croissant des nouveaux arrivants depuis les années 80, pourtant de loin inférieurs à la Norvège et à la Suède voisines, a posé bien des interrogations sur les limites de l'Etat-Providence.
Pourtant, les statistiques officielles confirment le faible niveau d'intégration sociale des immigrés, notamment les nouveaux arrivants.
L'organisation patronale danoise, qui ne cesse de rappeler combien l'économie du pays a besoin de nouveaux immigrants, déplore que trois immigrés sur quatre, arrivés au début des années 2000, se retrouvent sans emploi dix ans après.
Même munis d'un diplôme supérieur, les immigrés sont toujours à la traine sur le marché de l'emploi, confirme un autre rapport du Centre de recherche sociale.
Grâce au durcissement de la législation sur l'octroi d'asile, avec l'introduction temporaire d'un permis de séjour d'un an, le nombre de demandeurs d'asile a également fortement chuté dans le pays scandinave.
De 3150 en septembre 2015, seulement 626 personnes, des Syriens pour la moitié, ont demandé l'asile, selon les statistiques de l'agence danoise de l'immigration.
A la veille des législatives, la question de l'immigration se retrouve pourtant propulsée à nouveau au centre des débats, au grand bonheur de la droite populiste d'autant plus que la reprise de la croissance économique et les bons indicateurs de l'emploi donnent plutôt un avantage de taille au gouvernement sortant.
8 avr 2015, Omar ACHY
Source : MAP