Les refoulements "à chaud" d'immigrants à la frontière sont "totalement illégaux" dénoncent lundi en Espagne une quinzaine d'éminents juristes, moins de 15 jours après l'entrée en vigueur d'une loi validant cette pratique décriée par les ONG internationales.
Ces renvois empêchant les immigrants de présenter une demande d'asile "sont toujours radicalement illégaux y compris à la lumière de la nouvelle législation", affirment ces professeurs de droit dans un rapport intitulé "Refoulements à la frontière: frontière sans droits ?" publié lundi.
La loi adoptée le 26 mars avec les seules voix des conservateurs du Parti populaire, disposant de la majorité au Parlement, autorise les forces de l'ordre à repousser dans ces enclaves les "étrangers détectés sur la ligne de démarcation, lorsqu'ils tentent de franchir les éléments d'endiguement frontaliers pour traverser la frontière de manière irrégulière".
Elle avait été modifiée pour faire taire les critiques, en précisant notamment que ces refoulements se doivent de respecter le droit international.
Mais pour ces juristes, cette législation "omet des aspects essentiels de toute procédure octroyant un minimum de garanties", "menace (...) les droits de l'Homme", et démontre "une absence de sensibilité humaine et de rigueur juridique" qui rapproche l'Espagne "de la barbarie".
La nouvelle législation est "contraire à la légalité nationale et internationale".
Ces experts estiment que Madrid tente de justifier "un régime exceptionnel" pour Ceuta et Melilla, où des milliers de clandestins tentent chaque année de franchir la frontière, dans l'espoir de gagner l'Europe et une vie meilleure.
Le journal El Mundo, qui publie des extraits du rapport de 34 pages, diffuse aussi lundi le témoignage d'un migrant, "Thierry", affirmant avoir été refoulé à six reprises.
Lors d'une de ses tentatives, assure-t-il, il a été renvoyé "en autobus" alors qu'il se trouvait déjà sur le territoire espagnol, à Melilla, presque arrivé au Centre d'accueil pour les migrants (Ceti). Les gardes civils "ont ouvert avec une clef et nous ont remis à la police marocaine".
Les refoulements "à chaud" ont été vivement critiqués par des associations des droits de l'Homme et le Conseil de l'Europe.
Le rapport rappelle que le Comité de prévention de la torture du Conseil de l'Europe a estimé que cette pratique présentait en outre des risques "de mauvais traitements infligés par les membres des forces auxiliaires marocaines" par les clandestins.
13 avr. 2015
Source : AFP