Dans la cour d'un poste de police de Misrata, sur la côte libyenne, le Somalien Abdel Rachid vient d'être arrêté par la marine libyenne avec 260 autres candidats à l'émigration clandestine. Tous attendent d'être fixés sur leur sort.
Un à un, on les fait sortir du poste de police pour être rassemblés dans la cour, le temps d'une pause au soleil. Certains ne portent pas de chaussures, d'autres n'ont pas de chemise. Leur rêve de trouver la paix et la sécurité en Europe s'est évaporé.
Vêtus de masques hygiéniques, des gardes de sécurité et des responsables libyens surveillent de près le groupe détenu à Misrata, à 200 km à l'est de Tripoli.
Abdel Rachid a été arrêté dimanche alors qu'il tentait, comme les 260 autres, de rejoindre les côtes européennes dans une énième vague de migration clandestine.
Le chaos qui règne en Libye a accru l'afflux de clandestins désireux de rallier les îles italiennes situées à quelques centaines de km de ses côtes.
"Je projetais d'aller en Europe, la situation en Somalie est tellement difficile avec la guerre civile, mais j'ai été arrêté", raconte à l'AFP Abdel Rachid, pantalon rouge et pull orange. Il dit avoir payé 600 dollars à des passeurs. Pour le moment, sa seule volonté est d'être confié à une antenne du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).
Jusqu'à 400 migrants ont disparu dans le naufrage d'une embarcation de fortune dimanche au large de la Libye, selon des survivants débarqués mardi en Italie et interrogés par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l'ONG "Save the children".
Les garde-côtes italiens ont indiqué mercredi à l'AFP avoir secouru 145 personnes, ajoutant qu'aucun autre survivant n'avait été retrouvé après ce naufrage.
Depuis le début de l'année, plus de 900 personnes ont ainsi perdu la vie en tentant de traverser la Méditerranée, tandis que 15.000 sont parvenues à atteindre les côtes italiennes, selon l'OIM.
Mais ces chiffres terrifiants n'ont pas découragé Abdel Rachid et ses compagnons d'infortune. Moussa a travaillé en Libye pendant sept mois pour se payer la traversée et refuse d'être traité comme un "otage", explique-t-il en français.
"Nous nous ne sommes pas des otages, on veut gagner de l'argent pour nos familles, nous sommes partis de Libye pour aller vers le nord et trouver un moyen (de gagner de l'argent)", dit ce trentenaire sénégalais.
Sans 'eau, ni nourriture'
"On nous a trouvés en mer, et on nous a pris comme otages dimanche soir, ici il n'y a pas de place pour dormir et beaucoup de gens sont malades", constate-t-il, les larmes aux yeux.
Le directeur du centre de Misrata pour la lutte contre l'immigration clandestine, Salah Abou Dabbous, affirme que son établissement accueillent "plus de 900 clandestins à qui on a sauvé la vie".
Les récits de ces migrants se recoupent et se répètent. Tous ont voulu fuir leur pays vers l'inconnu.
"Cela fait un an que je suis en Libye, je voulais aller en Italie, mais je n'y suis pas parvenu", explique Mohamed, un Sénégalais âgé d'une vingtaine d'années. "Ils (les Libyens) nous ont amenés ici et je ne sais pas quel sort ils nous réservent".
"Ici, nous ne sommes pas satisfaits, c'est certain. Nous n'avons pas eu d'eau, ni de nourriture depuis ce matin, les toilettes posent problèmes également, elles sont sales et limitées", ajoute le jeune homme.
Depuis Skhirat au Maroc, où un nouveau cycle de négociations entre représentants des deux Parlements libyens rivaux doit reprendre jeudi, l'émissaire de l'ONU pour la Libye Bernadino Leon a qualifié de "drame terrible" la disparition des 400 migrants au large des côtes libyennes.
"C'est la Libye aujourd'hui. Le terrorisme, aucun contrôle des frontières, des personnes qui meurent chaque jour en Méditerranée, des raids aériens, plus d'affrontements, tout cela ne peut pas continuer", a-t-il dénoncé.
15 avr. 2015
Source : AFP