Les associations humanitaires ont dénoncé mercredi l'incurie des autorités européennes face aux naufrages de migrants en Méditerranée, alors qu'environ 400 migrants sont présumés disparus en mer malgré les recherches des garde-côtes italiens.
Si les premiers témoignages sont confirmés, "ces derniers jours auront été parmi les plus meurtriers dans les eaux les plus dangereuses du monde pour les migrants et les demandeurs d'asile", a déclaré mercredi Judith Sunderland, responsable régionale de Human rights watch (HRW).
"Le nombre intolérable des victimes ne va que s'accroître si l'UE n'agit pas maintenant pour garantir des opérations de secours", a-t-elle souligné.
Jusqu'à 400 migrants ont disparu dans le naufrage d'une embarcation de fortune dimanche en Méditerranée, selon des survivants, environ 150, débarqués mardi matin en Italie et interrogés par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l'ONG "Save the children".
Les garde-côtes italiens ont indiqué avoir sauvé 145 migrants, agrippés à leur embarcation qui avait chaviré.
Interrogé par l'AFP, le commandant Filippo Marini, porte-parole des garde-côtes italiens, a souligné mercredi qu'aucun autre survivant n'avait été retrouvé en dépit de recherches intensives, y compris aériennes, lundi et mardi.
"En demandant l'arrêt de l'opération de sauvetage Mare Nostrum qui avait sauvé 17.000 vies, pour la remplacer par Triton, une mission de surveillance seule, l'UE tourne le dos à ses responsabilités et menace clairement des milliers de vies humaines", a réagi Amesty International.
L'OIM a déjà enregistré plus de 500 morts de migrants en Méditerranée depuis le début de l'année avant ce nouveau drame, contre 47 l'année dernière pendant la même période.
Aucun signe d'autres survivants
"Aucun élément permettant de penser qu'il y ait d'autres survivants" n'a été retrouvé, a souligné le commandant Marini.
Lors de leur intervention dimanche, les garde-côtes avaient repêché neuf corps à proximité de l'embarcation.
Les survivants ont assuré qu'il y avait au total 500 à 550 personnes à bord de leur bateau, dont de nombreux jeunes, a précisé mercredi à l'AFP le porte-parole de l'OIM à Rome, Flavio Di Giacomo.
"Cela démontre à quel point il est important de se doter d'un robuste mécanisme de secours dans la Méditerranée centrale", a réagi Antonio Guterres, secrétaire général du haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).
"Cet évément tragique met en évidence une fois de plus la nécessité d'un effort conjoint de l'UE et de ses Etats membres pour aborder efficacement et de manière intégrée le phénomène de l'immigration irrégulière et éviter que de tels événements puissent se produire", indique pour sa part un communiqué du ministère espagnol des Affaires étrangères.
'Les départs ne diminuent pas'
"Les départs ne diminuent pas: la peur de mourir ne dissuade pas", a relevé sur Twitter la porte-parole du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) en Europe du Sud, Carlotta Sami.
Alors qu'un temps calme et printanier s'est installé sur la zone depuis quelques jours, plus de 10.500 arrivées ont été enregistrées depuis le début du mois en Italie, où les structures d'hébergement des demandeurs d'asile accueillent déjà plus de 80.000 personnes.
Le ministre de l'Intérieur, Angelino Alfano, a envoyé lundi une directive aux préfets les appelant à trouver d'urgence 6.500 places d'hébergement, en particulier dans le nord et le centre du pays.
Cette demande a provoqué la colère de nombreux responsables, dont celle du gouverneur de la région Lombardie (nord), Roberto Maroni, membre du mouvement anti-immigration de la Ligue du Nord.
"Nous nous refusons à subir cette invasion, donc zéro place en Lombardie tant que continuera cette attitude irresponsable", a-t-il déclaré mercredi.
Le secrétaire-général de la Ligue du Nord, Matteo Salvini, s'est montré encore plus direct: "pourquoi devrais-je prendre ne serait-ce qu'un seul de ces migrants devant les 22.000 Italiens qui attendent toujours un logement social à Milan", a-t-il déclaré mercredi.
Originaires essentiellement d'Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient, ces migrants s'efforcent de gagner l'Europe à la faveur du chaos régnant en Libye.
Ce chaos provoque le départ d'un nombre croissant d'enfants non accompagnés, a souligné l'ONG Save the children, qui évalue leur nombre à 8% du total des migrants qui entreprennent la traversée.
Signe de la confiance des passeurs au large de la Libye, plusieurs d'entre eux ont ouvert le feu lundi sur deux navires engagés dans l'opération "Triton" pour récupérer une embarcation dont les passagers venaient d'être secourus.
15 avr. 2015,Fanny CARRIER
Source : AFP