Le drame des naufrages de migrants en Méditerranée a fait jeudi de nouvelles victimes, 41 disparus selon des survivants, et douze hommes jetés à la mer après une rixe entre musulmans et chrétiens sur l'embarcation qui devait les emmener en Europe.
Ce nouveau naufrage, après celui du weekend qui aurait fait quelque 400 victimes, porte à près de 950, si ces faits sont confirmés, le nombre de morts en Méditerranée depuis le début de l'année.
A cette quarantaine de disparus, il faut ajouter douze hommes jetés à la mer mercredi, après une rixe à motivation apparemment religieuse entre migrants musulmans et chrétiens. Quinze hommes, des musulmans sénégalais, maliens et ivoiriens, ont été arrêtés à leur arrivée à Palerme en Sicile, sur la foi de témoignages, a annoncé jeudi la police italienne.
"Au cours de la traversée, les Nigérians et les Ghanéens, en minorité, auraient été menacés d'être jetés à l'eau par une quinzaine de passagers", a rapporté le communiqué de la police.
Le motif de la colère des agresseurs, a-t-il précisé, "serait la profession de la foi chrétienne par les victimes, au contraire de la foi musulmane professée par les agresseurs. Les menaces se seraient ensuite concrétisées et douze personnes, toutes nigérianes et ghanéennes, auraient succombé dans les eaux de la Méditerranée".
"Les survivants auraient survécu en s'opposant par la force à la tentative de noyade, formant dans certains cas une véritable chaîne humaine", a indiqué la police.
"Ce n'est pas la première fois. On sait que quand il y a 400 personnes à bord d'un bateau surchargé en pleine mer, il peut y avoir des tensions terribles, tout peut arriver", explique à l'AFP Giovanni Abbate, conseiller juridique de l'Organisation internationale des migrations (OIM).
Autre épisode dramatique
Dans un autre épisode tout aussi dramatique, quatre migrants, tous Africains, ont raconté à leur arrivée à Trapani en Sicile être les seuls survivants du naufrage de leur embarcation, qui transportait au total quelque 45 personnes.
Selon leur récit au personnel humanitaire qui les a accueillis, leur vieux canot pneumatique s'est rapidement dégonflé et a coulé.
Ces drames n'en découragent pas pour autant les migrants, qui restent des centaines à tenter chaque jour de gagner l'Europe depuis les côtes de la Libye, à la faveur du chaos régnant dans ce pays depuis des mois.
Quelque 1.200 d'entre eux ont encore débarqué jeudi en Italie, où de plus en plus de municipalités ont du mal à gérer l'afflux de naufragés.
Jeudi, près de 600 personnes sont arrivées à Trapani en Sicile, après avoir été récupérées en mer par les garde-côtes et la marine italienne. Quelque 600 autres ont débarqué dans l'après-midi à Augusta, également en Sicile.
"L'afflux de ces derniers jours est extraordinaire. On s'attend à des arrivées massives cette année, au moins autant que l'année dernière, mais 10.000 en 5 jours...", explique M. Abbate, présent sur le quai d'Augusta pour participer à l'accueil des migrants.
Sur ce port sicilien, le débarquement du dernier bateau en date se fait dans le calme et le silence, troublé seulement par le vent et le bruit des turbines du bateau des garde-côtes.
Face à ces arrivées massives, et son cortège de drames, le ministre italien des Affaires étrangères Paolo Gentiloni a exprimé sa colère envers l'Union européenne. "Le problème est européen mais le remède est italien, ça ne va pas. La surveillance et les secours en mer pèsent à 90% sur nos épaules", a-t-il déclaré.
"Nous avons sonné l'alarme depuis des mois pour avertir que cela arriverait, mais les dirigeants européens ont détourné les yeux", a commenté Amnesty International dans un communiqué.
Sur le terrain, les responsables locaux avouent parfois leur découragement. Giovanni Muraca, responsable municipal de Reggio de Calabre, en face de la Sicile, reconnaît ainsi devant l'AFP que cette ville en pleine crise économique "a du mal" à relever le défi des migrants.
Plusieurs organisations internationales et humanitaires ont sommé l'Europe de réagir et d'en faire plus pour éviter de nouveaux drames.
Les Nations unies, dans un communiqué publié jeudi à Genève par le Comité pour les droits des travailleurs migrants, ont ainsi réclamé de l'Union européenne qu'elle adopte "une nouvelle approche vis-à-vis de l'immigration".
16 avr. 2015,Fanny CARRIER
Source : AFP