Le président sud-africain Jacob Zuma a lancé jeudi un appel au calme et à la fin des attaques xénophobes, alors que, après Durban ces derniers jours, des magasins tenus par des étrangers ont été attaqués mercredi soir à Johannesburg.
"Nous condamnons les violences dans les termes les plus forts. Nous appelons au calme et à l'arrêt des violences", a lancé le chef de l'Etat lors d'une allocution solennelle au parlement, retransmise en direct à la télévision.
"Aucun niveau de frustration ou de colère ne peut justifier des attaques contre les ressortissants étrangers et le pillage de leur commerces", a insisté le chef de l'Etat.
Les violences xénophobes dans les faubourgs de Durban, le grand port sud-africain sur l'Océan indien, ont fait au moins six morts depuis début avril. Les émeutiers accusent souvent les étrangers de prendre le travail des Sud-Africains, ou de faire une concurrence déloyale aux commerçants locaux, dans des townships où le taux de chômage atteint voire dépasse 40%.
De fait, plusieurs millions de migrants africains ont afflué depuis des années en Afrique du Sud, l'économie la plus structurée du continent, pour fuir soit des conflits, soit la misère. Les communautés zimbabwéenne, mozambicaine, malawite et du RDCongo sont particulièrement nombreuses.
Mercredi dans la soirée, c'est à Johannesburg que des magasins tenus par des étrangers ont été attaqués et pillés. Plusieurs dizaines de personnes ont trouvé refuge pour la nuit au commissariat de police le plus proche et nombre d'immigrés africains, terrorisés par les messages et les photos qui circulent sur les réseaux sociaux, se terrent chez eux depuis quelques jours.
"Les suspects sont entrés dans des magasins tenus par des étrangers et deux personnes ont été blessées dans ces incidents", a indiqué la police, précisant que six personnes avaient été arrêtées pour violences publiques et violation de domicile.
Jeudi, au moins 4.000 personnes ont marché contre la xénophobie à Durban, à l'appel des autorités locales, qui avaient loué des bus pour l'occasion afin de permettre aux habitants des townships de venir manifester.
Au départ de la marche, la police a dû faire usage de gaz lacrymogènes pour disperser quelques dizaines de contre-manifestants. L'incident a duré quelques minutes.
"Nge xenophobia Phansi!" et "Hlanganai maAfrika!" ("A bas la xénophobie" et "Afrique unie" en zoulou), ont scandé les manifestants, sous des pancartes proclamant "peace and love" et autres slogans pacificateurs.
'Régulièrement, ça explose'
Venu dans l'un des mini-bus spécialement affrétés, Eric Machi, 34 ans, se désole d'autant plus de la situation qu'il louait des logements à quatre familles de Zimbabwéens et Malawites, pour un revenu total de 6.000 rands par mois (466 euros).
"Nous essayons de faire la paix avec ces gens qui viennent d'Afrique", dit-il, "ils étaient mes locataires et maintenant ils sont partis. Certains la semaine dernière, d'autres depuis lundi. Ils travaillaient. Je ne sais pas ce qu'ils faisaient mais ils payaient régulièrement" dit cet électricien au chômage, père de deux enfants.
Cette démonstration de bonne volonté n'a cependant pas convaincu tout le monde.
"C'est de la propagande. Ils ne sont pas pour la paix, ils nous tuent beaucoup" dit en français Aicha Nibigira, une Burundaise de 20 ans, debout devant sa porte au passage du cortège.
Sany Singh, 75 ans et membre de l'ANC, le parti au pouvoir, espère en revanche que cette manifestation "lancera un signal fort et clair que les attaques xénophobes ne peuvent pas continuer".
Des incidents similaires avaient endeuillé Soweto, la banlieue de Johannesburg, en janvier, faisant six morts. Et personne n'a oublié les quelque 60 personnes tuées dans les pires émeutes xénophobes d'Afrique du Sud en 2008.
"Régulièrement, ça explose", observe Ali Abdi, un vendeur de vêtements somalien de Durban, 38 ans. "En ce moment c'est calme, mais à tout moment, cela peut arriver. Il n'y a pas juste une seule raison à ça. En partie, c'est la haine de l'étranger, surtout Africain. En partie c'est de la jalousie".
Mercredi, l'ANC, le parti au pouvoir, avait condamné dans des termes virulents cette nouvelle explosion de violence. "Nous, Sud-Africains, qui sommes pour notre grande majorité enracinés dans des valeurs d'humanité, de solidarité et de fraternité, nous sommes contraints une fois de plus de baisser la tête de honte face à ces attaques malveillantes et injustifiées".
16 avr. 2015
Source : AFP