Le président sud-africain Jacob Zuma s'est engagé mercredi à combattre la xénophobie, alors que l'armée est intervenue pour la première fois dans les quartiers sensibles pour éviter tout débordement après les violences anti-immigrés des dernières semaines.
Onze suspects ont été arrêtés et le produit de pillages de magasins tenus par des immigrés africains a été saisi lors d'une première intervention conjointe de l'armée et de la police dans la nuit de mardi à mercredi, dans un point chaud de Johannesburg.
L'engagement de la troupe et cette démonstration de force nocturne surviennent alors que le calme est quasiment revenu depuis quelques jours. Mais il s'agit aussi de montrer aux Sud-Africains et au monde entier que le pouvoir ne reste pas passif face aux violences, qui ont officiellement fait sept morts et plusieurs milliers de déplacés.
Le gouvernement sud-africain a été accusé de n'avoir pas pris au sérieux ces violences pendant plusieurs jours début avril, pour ne réagir finalement que face à l'émotion exprimée par la société civile et la communauté internationale, et notamment africaine. Les victimes sont pour la plupart originaires d'autres pays d'Afrique.
Lors d'une rencontre avec la société civile, les milieux économiques et des responsables religieux, le président Jacob Zuma a promis de s'attaquer aux racines du mal.
"Les Sud-Africains ne sont pas xénophobes", a-t-il assuré. "Si nous ne traitons pas les problèmes sous-jacents, cela va recommencer!", a-t-il dit.
Le chef de l'Etat n'a pas donné de précision, mais son gouvernement répète à l'envi que la pauvreté, les inégalités et les frustrations de ceux qui n'ont pas profité économiquement de la chute du régime de l'apartheid en 1994 sont à l'origine des problèmes actuels.
Dans un gage donné à ceux qui, comme l'influent roi coutumier des Zoulous, réclament des contrôles renforcés aux frontières, le gouvernement a annoncé qu'il lutterait contre l'immigration clandestine et l'emploi de sans-papiers.
La situation est suffisamment grave pour que deux ministres s'inquiètent mercredi de l'impact économique de cette vague de violences.
"Depuis le début des attaques, notre pays a perdu des milliards de rands de revenus à l'exportation" (1 euro = 13 rands), a notamment relevé le vice-ministre du Commerce et de l'Industrie Mzwandile Masina.
Les appels au boycott des produits sud-africains se sont multipliés dans d'autres pays d'Afrique.
"La situation est devenue intenable", a averti le ministre, notant qu'il est encore trop tôt pour chiffrer les pertes.
Culture de violence
L'ambassadeur de la République démocratique du Congo (RDC) Bene M'Poko a appelé mercredi les pays africains à "se garder de toutes représailles".
Plusieurs associations et syndicats ont appelé à une manifestation, jeudi à Johannesburg, pour dire non à la xénophobie, et Jacob Zuma doit rencontrer le lendemain des représentants des réfugiés et demandeurs d'asile.
La violence xénophobe est un phénomène endémique dans les townships et les quartiers populaires sud-africains, et des émeutes anti-étrangers avaient déjà fait 62 morts en 2008, ternissant durablement la réputation de la "Nation Arc-en-ciel".
Le pays est soumis, depuis la fin du régime raciste de l'apartheid, à une forte pression migratoire. Le niveau de vie sud-africain et les infrastructures de santé ou économiques attirent de nombreux Africains fuyant la guerre ou la misère dans leur propre pays.
"Il n'est pas possible d'arrêter l'immigration vers l'Afrique du Sud", a noté Jessie Duarte, la secrétaire générale adjointe de l'ANC, le parti au pouvoir. "Mais nous pensons qu'il est nécessaire de mieux gérer la défense des droits de l'Homme de tous les étrangers qui viennent dans notre pays, particulièrement pour les plus vulnérables."
Dans la semaine, le président Zuma avait déploré que la culture de la violence héritée du régime ségrégationniste de l'apartheid n'ait pas été assez combattue lors de l'avènement de la démocratie.
"En Afrique du Sud, nous avons eu un système nommé apartheid, qui était très violent. Pour l'abattre, nous avons dû être très violents aussi. Cette culture n'a pas été prise en compte", a-t-il dit, cité par la presse sud-africaine.
Dans l'euphorie de l'arrivée de Nelson Mandela au pouvoir en 1994, "nous avons adopté une Constitution excellente et nous avons cru que cette Constitution, ce document, allait résoudre le problème". "Grave erreur", a ajouté le chef de l'Etat.
22 avr. 2015,Susan NJANJI
Source : AFP