Les dirigeants européens ont décidé jeudi de tripler les moyens alloués pour le sauvetage des migrants en Méditerranée, et vont chercher l'aval de l'ONU pour mener des actions militaires contre les trafiquants en Libye.
Mais ils se sont divisés sur la prise en charge des réfugiés, en renvoyant les décisions à plus tard.
Le président du Conseil européen, Donald Tusk, avait tempéré les attentes avant le début du sommet extraordinaire convoquée après la dernière tragédie qui a fait quelque 800 morts. "Personne ne se fait d'illusions. Les problèmes ne seront pas résolus aujourd'hui", avait-il prévenu.
Les dirigeants européens sont parvenus à s'entendre pour tripler le budget de l'opération de surveillance et de sauvetage en mer Triton, actuellement de trois millions d'euros par mois. "Nous voulons agir vite, ce qui signifie tripler les ressources financières" de cette opération, a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel.
Mais aucun accord n'a été trouvé pour élargir le champs opérationnel de la mission et permettre aux navires de Triton de sortir des eaux territoriales afin d'aller plus près de la Libye, a-t-elle indiqué.
Les témoignages des survivants du naufrage de dimanche sont effrayants. L'un d'eux, Abdirizzak, a raconté avoir échappé à la mort parce qu'il se trouvait dans la partie supérieure du chalutier. "Ceux qui avaient le moins d'argent ont été enfermés à fond de cale".
La France a annoncé la mise à disposition de deux navires et de trois avions. L'Allemagne peut engager deux navires, la Belgique, la Suède, la Norvège et le Danemark un navire chacun.
Triton est une opération gérée par Frontex, l'agence européenne chargée de la surveillance des frontières extérieures de l'espace Schengen, dont sont membres 22 des 28 pays de l'UE, la Norvège, la Suisse, l'Islande et le Liechtenstein.
Le Royaume Uni, qui n'en est pas membre, a annoncé sa participation aux opérations de surveillance et de sauvetage avec un navire, le HMS Bulwark, l'un des plus grands bâtiments de sa marine de guerre, deux patrouilleurs et trois hélicoptères. Il agira à ses frais, a précisé la délégation britannique. Les migrants sauvés en mer seront débarqués en Italie ou à Malte. "Il n'est pas question qu'ils puissent demander l'asile au Royaume Uni", a averti le Premier ministre, David Cameron.
Actuellement, 21 Etats membres participent à Triton, avec sept bâtiments, quatre avions, un hélicoptère et quelque 65 personnels.
Les opérations militaires envisagées pour identifier, capturer et détruire les navires utilisés par les trafiquants avant leur départ ont en revanche posé problème.
Manque d'ambition
-Décision a été prise de chercher un mandat de l'ONU. La France et le Royaume-Uni, membres permanents du Conseil de sécurité, se sont engagés à présenter un projet de résolution, a annoncé le président François Hollande.
Il en parlera dès vendredi avec le président russe Vladimir Poutine, pour vaincre les réticences de Moscou. Le chef du gouvernement italien Matteo Renzi rencontrera lundi à Rome le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.
Une opération militaire contre les trafiquants "est compliquée, prendra du temps, imposera un mandat des Nations unies, un accord du gouvernement libyen, la mobilisation de moyens militaires et l'acceptation de pertes humaines", avertissent diplomates et experts.
Le sommet s'est en revanche terminé sur un échec lors de la discussion sur le troisième volet du plan d'action: l'accueil et la prise en charge des migrants à leur arrivée.
Le plan d'action proposait aux Etats d'accueillir "au moins 5.000 personnes" ayant déjà obtenu le statut de réfugiés, dans le cadre d'un projet de réinstallation destiné aux Syriens, pour les dissuader de tenter la traversée.
Mais aucun chiffre ne figure dans la déclaration finale "parce que nous pensons que 5.000 n'est pas suffisant", a expliqué Angela Merkel. La participation a ce programme de réinstallation est volontaire, pas obligatoire.
"La France prendra sa part" en accueillant "entre 500 et 700 Syriens", a annoncé M. Hollande.
"J'aurais aimé plus d'ambition", a déploré le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, partisan de porter ce programme à au moins 10.000 places.
La proposition invitait aussi les Etats à aider l'Italie, la Grèce et Malte à prendre en charge les arrivants pour les enregistrer et trier entre ceux qui pourront bénéficier du droit d'asile et ceux qui seront renvoyés. Mais cela remet en question le règlement de Dublin II qui impose cette mission à l'Etat dans lequel les migrants arrivent.
"Beaucoup se sont dits prêts à aider, mais personne ne peut obliger un état à le faire", a reconnu Matteo Renzi. Le Premier ministre italien, qui avait réclamé la tenue de ce sommet extraordinaire, a tenté de dissimuler sa déception. "Pour la première fois nous avons une approche systématique. La Commission européenne va présenter son agenda pour les migrations le 13 mai et le sujet sera à nouveau discuté lors du prochain sommet en juin. Cela laisse de l'espace pour des initiatives".
"Nous verrons dans les prochaines semaines et dans les prochains mois si nous sommes capables de passer des paroles aux actes", a-t-il conclu.
23 avr. 2015,Christian SPILLMANN
Source : AFP