Comment les migrants sont-ils généralement perçus? Ces perceptions correspondent-elles à la réalité? Entretien avec le Secrétaire général adjoint de l’OCDE, Stefan Kapferer, intervenant principal lors de la seconde réunion thématique du Forum mondial sur la migration et le développement.
Q: Comment l’opinion publique perçoit-elle actuellement les migrations dans l’OCDE?
S. Kapferer: Dans l’opinion publique des pays de l’OCDE, les migrations sont souvent perçues comme hors de contrôle et très coûteuses. Les populations indigènes peuvent avoir le sentiment que les frontières de l’OCDE ne sont pas sures. Il peut y avoir l’idée que les migrants volent des emplois et reçoivent une part disproportionnée des prestations sociales des pays d’accueil. Enfin, ces populations peuvent imaginer que le pourcentage de migrants est très élevé, plusieurs fois supérieur à ce qu’il est en réalité. Les partis populistes alimentent et amplifient ces sentiments et peuvent avoir une influence sur la politique migratoire et la législation au niveau national.
Q: Est-ce vrai?
S. Kapferer: Non. Il y a un fossé entre les perceptions et les faits réels. Les migrants paient davantage d’impôts et de cotisations sociales qu’ils ne touchent de prestations. Ils ne volent pas d’emplois et ne viennent pas dans les pays de l’OCDE pour simplement bénéficier de prestations sociales. Ils émigrent pour échapper à la misère et vivre en lieu sûr, mais aussi pour créer des richesses dans leur nouvelle patrie. Les idées fausses doivent être combattues. A cet égard, les médias peuvent jouer un rôle en diffusant des récits de réussite et en informant l’opinion publique de la réalité de la situation.
Q: Quelles sont les grandes tendances en matière de migration dans les pays de l’OCDE?
S. Kapferer: Au cours des dix dernières années, le nombre de migrants dans les pays de l’OCDE a augmenté de 40 pour cent. Il y a 117 millions d’immigrés dans les 34 pays de l’OCDE, ce qui représente plus de 10 pour cent de la population. Les facteurs d’explication de cette tendance sont la mondialisation, le besoin de main-d’œuvre jeune, l’internationalisation des études et le mariage entre ressortissants de pays différents. L’autre tendance intéressante, c’est que les migrants sont de plus en plus qualifiés et éduqués, avec de plus en plus de diplômés du supérieur.
Q: Que pouvons-nous faire pour contrecarrer ces perceptions publiques négatives à l’égard des migrants?
S. Kapferer: Il faut accroître la sensibilisation dans les institutions politiques, les parlements et au sein de l'opinion publique. Nous devons restaurer la confiance dans les institutions et les politiques migratoires. De l’autorité est nécessaire pour mener une communication politique efficace. Nous devons nous atteler à l’intégration sur le marché du travail. Nous avons besoin d’un débat public riche qui aborde la notion d’Etat-nation, l’accès à la citoyenneté – des question importantes pour nos sociétés.
Q: Que peut faire l’OIT?
S. Kapferer: Votre organisation regroupe les syndicats, les employeurs et les gouvernements, chacun d’entre eux a un rôle à jouer. Souvent, les personnes les moins qualifiées sont les plus préoccupées par les conséquences négatives possibles des migrations. Les syndicats peuvent être utiles en informant tous les travailleurs que les migrants ne sont pas là pour leur prendre leur travail. Les employeurs ont aussi un rôle crucial à jouer en favorisant les pratiques commerciales et de recrutement équitables. Et les gouvernements ont bien sûr la responsabilité d’améliorer la législation, les politiques et les mécanismes de contrôle pour s’assurer que ces pratiques sont bien mises en œuvre.
La réunion était organisée sous les auspices de la Turquie qui préside le FMMD et co-animée par le Mexique et la Grèce.
29 av 2015
Source : ilo.org