Une trentaine de cadavres en état avancé de décomposition jetés dans quatre fosses hâtivement creusées près d’un sentier des collines de la province thaïlandaise de Songkhla, dans le sud du pays, tout près de la frontière malaisienne : c’est un ramasseur de champignons qui a fait, vendredi 1er mai, cette macabre découverte avant de prévenir la police thaïe.
Les autorités ont indiqué qu’il s’agit vraisemblablement surtout de migrants Rohingya musulmans originaires de Birmanie. Les autres seraient bangladais : ce camp de « transit » pour clandestins dissimulé dans la jungle se trouve sur la route du trafic humain vers la Malaisie. Il ne fait donc aucun doute, selon le général Somyot Pumpunmuang, chef de la police thaïlandaise, qu’il s’agit bien de l’un de ces « camps-prisons » où les passeurs incarcèrent leurs « clients » en attendant que les familles ou des proches, préalablement installés en Malaisie, viennent les délivrer contre rançon.
La police affirme que les victimes sont mortes de faim ou de maladie en attendant un transfert qui n’a jamais eu lieu parce que les migrants n’avaient pas les moyens de payer les passeurs. « Le trafic des personnes est depuis longtemps hors contrôle », a accusé Brad Adams, responsable pour l’Asie de l’ONG de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW). En juin dernier, les Etats-Unis avaient rétrogradé le royaume dans la liste des Etats ne luttant pas, ou pas assez, contre la traite des êtres humains.
Violentes émeutes
Plus d’une centaine de milliers de Rohingya de Birmanie sont parqués dans des camps de personnes déplacées de la province de l’Arakhan, après les violentes émeutes de 2012 qui ont eu lieu entre cette minorité, décrite par l’ONU comme l’une des plus « persécutées du monde », et les bouddhistes de cette région de l’ouest de la Birmanie.
Dans ces camps du Myanmar (nom actuel de la Birmanie), ils disent leur volonté de vouloir s’enfuir grâce à des passeurs qui les conduisent dans de gros bateaux mouillant au large des côtes du golfe du Bengale. Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’après avoir été dépouillés par les trafiquants, qui leur extorquent parfois l’équivalent de plusieurs milliers de dollars, une somme considérable en Birmanie, ils ne les laissent pas partir à leur arrivée sur les côtes thaïlandaises. Ceux qui ne peuvent pas leur donner ou leur faire parvenir une somme supplémentaire sont alors enfermés dans ces abris de fortune, à l’écart des routes. Des dizaines de milliers d’entre eux sont arrivés en Thaïlande et en Malaisie depuis deux ans.
« Le trafic des personnes est depuis longtemps hors contrôle » Brad Adams, responsable pour l’Asie de Human Rights Watch
Les policiers du district de Sadao, où les fosses ont été trouvées, ont également indiqué qu’il en existe encore plusieurs autres qui pourraient contenir une vingtaine de cadavres. Selon le Bangkok Post, certains des restes retrouvés étaient inhumés tandis que d’autres étaient simplement recouverts de vêtements. Deux autres corps étaient en train de pourrir dans la jungle quand la police est arrivée. Il ne resterait que deux survivants, dont un originaire du Bangladesh qui a été retrouvé dans un état pitoyable.
Les policiers pensent que les trafiquants ont déserté le camp il y a deux jours, faisant passer ceux qui les avaient payés en Malaisie, en laissant derrière eux ceux qui n’avaient pas survécu à leurs conditions de détention.
02.05.2015, Bruno Philip
Source : lemonde.fr