Les postulants à la loterie annuelle de la "carte verte" peuvent vérifier depuis mardi s'ils ont gagné le visa qui leur permettra d'immigrer aux Etats-Unis, un programme ciblé par la fraude et les arnaques mais apprécié des Africains, principaux bénéficiaires.
Depuis 1994, c'est la loi: les Etats-Unis attribuent chaque année 50.000 cartes vertes, des visas de résidents permanents, de manière aléatoire parmi des millions de postulants. Un "visa de diversité" imaginé pour lancer l'immigration africaine et d'Europe de l'est, peu après la chute du mur de Berlin. Dix-neuf pays à forte immigration (Mexique, Chine, Royaume-Uni, Inde, et désormais Nigeria...) étaient exclus de la loterie cette année.
Il faut postuler vers le mois d'octobre sur le site internet du département d'Etat, un simple formulaire, gratuit, avec une photo d'identité. Les résultats sont disponibles sur www.dvlottery.state.gov.
Les chances de réussite sont au total de moins de 1%. L'an dernier, sur 14,4 millions de demandeurs, 125.000 avaient été sélectionnés (ces chiffres incluent les demandeurs, leurs conjoints et enfants). Le nombre de sélectionnés est toujours supérieur à 50.000 car de nombreux gagnants ne poursuivent pas la procédure ou sont éliminés (casier judiciaire, niveau d'éducation insuffisant...).
Au total, c'est l'Afrique qui "gagne" le plus de cartes vertes: 41% du total des visas ainsi délivrés pour l'année budgétaire 2013 (dernières données finalisées disponibles) ont été octroyés à des ressortissants africains, Egyptiens, Nigérians et Ethiopiens en tête.
Les Iraniens furent les plus nombreux, avec plus de 3.400 récipiendaires, et 250 Français ont immigré grâce au tirage au sort.
Fraude
Le programme est plus vulnérable à la fraude que l'immigration traditionnelle, qui repose sur des liens familiaux établis ou des offres d'emploi. Le seul critère, dans le cas de la loterie, est d'avoir l'équivalent d'une éducation secondaire, ou de justifier de deux ans d'expérience professionnelle dans certains métiers.
Mais nombreux sont les demandeurs à présenter des certificats d'étude ou d'emploi falsifiés, et les consulats américains en Afrique sont débordés, comme en témoignent des dizaines de câbles diplomatiques publiés par Wikileaks en 2011.
Des réseaux opéraient alors depuis les cybercafés: contre paiement, un postulant paie un intermédiaire pour déposer la demande. Si son numéro est sélectionné, il est très commun que l'intermédiaire organise un mariage antidaté pour vendre une carte verte supplémentaire à un faux conjoint.
A Lagos, au Nigeria, un câble de décembre 2009 décrit l'examen fastidieux par les officiers consulaires des faux albums de mariage présentés comme justificatifs par les gagnants, pour repérer la présence d'acteurs.
A Monrovia, le consulat rapportait en octobre 2009 qu'un fonctionnaire local falsifiait, "probablement contre rémunération", les diplômes délivrés par le Conseil des examens de l'Afrique occidentale (WAEC).
Des outils de reconnaissance faciale sont utilisés pour détecter les personnes déposant de multiples demandes sous de faux noms, mais le département d'Etat ne communique pas le taux de fraude.
"Nous prenons la fraude très au sérieux", a indiqué un responsable diplomatique à l'AFP.
Arnaques
Beaucoup de sites à l'allure officielle achètent le mot-clé "green card" sur Google et vendent plus de 50 dollars, voire 129 dollars, un soi-disant service pour déposer la demande, alors que celle-ci est gratuite sur le site officiel.
Aujourd'hui, le programme est défendu par le groupe des élus noirs du Congrès (Congressional Black Caucus), qui estiment qu'il est indispensable au maintien de l'immigration africaine.
Mais même des partisans initiaux du programme reconnaissent qu'il a montré ses limites.
"Ce n'est pas que c'est une mauvaise chose, mais ce n'est plus aussi important qu'avant", dit à l'AFP Bruce Morrison, ancien représentant démocrate, impliqué dans la réforme migratoire de 1990. Il propose de réallouer les 50.000 cartes vertes à des travailleurs hautement qualifiés.
Les démocrates avaient même accepté de sacrifier le programme en 2013, comme compromis en échange d'une réforme générale du système d'immigration, qui a échoué.
"C'est devenu un programme d'immigration africaine", critique Mark Krikorian, directeur du Center for Immigration Studies, un centre de réflexion anti-immigration. "Il suffit d'avoir un pouls pour être sélectionné".
Mais l'inaction du Congrès dans le dossier ultra-partisan de l'immigration a garanti, jusqu'à présent, le maintien du programme.
05 mai 2015,Ivan Couronne
Source : AFP