Détenue depuis le 19 janvier au centre de rétention administrative de Lyon, une Marocaine de 18 ans devrait être expulsée jeudi 4 février à 9 heures vers le Maroc. Sa soeur jumelle a échappé à l'arrestation et se cache avec le soutien du Réseau éducation sans frontières (RESF).
"J'ai peur, et je pleure tout le temps", raconte Salima Boulazhar que Le Monde a pu joindre par téléphone au centre de rétention. "Je n'ai pas de famille au Maroc, je ne me souviens presque plus de ce pays que nous avons quitté avec ma soeur quand nous avions 13 ans. Je ne sais même plus ni lire ni écrire l'arabe."
Abandonnées par leurs parents, Salima et Salma ont été élevées au Maroc par leur grand-mère jusqu'au décès de celle-ci. Elles ont ensuite été recueillies par l'une de leurs tantes qui habite Clermont-Ferrand. "Quand elles sont arrivées en France, elles avaient un niveau scolaire très faible", raconte Marie Guillerminet, de la Ligue des droits de l'homme. "Mais elles se sont accrochées, ont appris le français, et ont réussi à entrer en apprentissage." L'une et l'autre préparent un CAP dans la restauration.
Ce parcours d'intégration s'est interrompu le 27 juillet, quand l'administration a refusé de leur délivrer un titre de séjour. "Nous avons contesté ce refus devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qui n'a toujours pas rendu sa décision", explique Me Bertrand Chautard, l'avocat des jeunes filles. "Depuis le 27 juillet, il ne s'est rien passé de particulier et je ne comprends pas ce soudain emballement qui a conduit à l'arrestation de Salima à son domicile. Ce ne sont pas des gamines qui troublent l'ordre public ! La préfecture aurait pu attendre la décision du tribunal administratif avant de demander leur arrestation. C'est certes légal, mais cette attitude ne respecte pas l'Etat de droit et fait peu de cas du contrôle exercé par le juge administratif."
Mercredi 3 février, RESF devait demander une nouvelle audience à Patrick Stéfanini, préfet d'Auvergne et du Puy-de-Dôme et ancien secrétaire général du ministère de l'immigration. "Notre demande est simple : nous voulons la régularisation", explique Rafael Maniez, de RESF.
Contacté par Le Monde, M. Stefanini a fait savoir qu'il ne souhaitait pas "s'exprimer pour le moment".
Alors que la mobilisation en faveur de Salima et de Salma prend de l'ampleur à Clermont-Ferrand, RESF a été saisi d'un nouveau cas d'expulsion à l'encontre d'un Marocain de 21 ans en situation irrégulière. Youssouf Ahanssal, élève d'un lycée professionnel clermontois, a été arrêté lundi 1er février. Le lendemain, à l'issue de sa garde à vue, il s'est vu signifier un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.
Cette décision a conduit des élèves de son lycée à manifester leur soutien, sous les yeux de Claire Chazal et Jean-Pierre Foucault qui visitaient l'établissement dans le cadre de la Fondation TF1. A la différence de Salima Boulazhar, Youssouf Ahanssal bénéficiera d'un sursis de quelques mois. Mardi après-midi, la préfecture du Puy-de-Dôme a en effet fait savoir qu'il avait été "assigné à résidence pour qu'il puisse terminer l'année scolaire".
Source : Le Monde