Des barbelés et une mâchoire humaine témoignent de la brutalité qui sévissait dans les camps de migrants retrouvés en Malaisie, où la police a entamé mardi la tâche macabre d'exhumation des dizaines de tombes le long de la frontière avec la Thaïlande.
La police a escorté des journalistes dans une épuisante randonnée à travers la jungle dans le nord du pays, où les autorités ont annoncé lundi avoir retrouvé 28 camps à l'abandon susceptibles d'avoir abrité des centaines de migrants, ainsi que 139 fosses communes.
Redoutant des attaques de trafiquants armés cachés dans les bois, les policiers ont demandé aux journalistes de se jeter à terre au moindre coup de feu durant le voyage de quatre heures dans cette zone montagneuse reculée.
Par un chemin dans la jungle qui semblait avoir été beaucoup emprunté, les journalistes ont été conduits dans un petit camp situé dans une clairière.
Des barbelés y entourent deux structures branlantes de troncs d'arbres et de bambou, et des bâches gisent par terre.
Selon la police, les camps, proches de la frontière thaïlandaise, auraient pu être utilisés jusqu'à il y a deux semaines environ, mais il ne restait que peu d'indices mardi du passage des migrants.
Une mâchoire humaine, dans laquelle des dents restaient plantées, était visible par terre. Dans le camp se trouve un enclos en forme de cage, mais il n'était pas possible de savoir s'il avait été utilisé pour y caser des êtres humains ou du bétail.
A côté, des policiers armés de pelles ont déterré d'une tombe un corps qui semblait enroulé dans un linceul, selon la tradition musulmane.
"Nous avons trouvé 37 tombes (dans le camp) mais nous n'avons retrouvé jusqu'à présent qu'un seul corps", a déclaré un officier de la police locale, Muhammad Bahar Alias.
Il semblerait que les fosses et le vaste réseau de camps mis en place par les trafiquants en Malaisie soient plus importants que ceux découverts début mai par la police thaïlandaise.
C'est après cette découverte que la Thaïlande avait décidé de sévir contre la traite d'être humains, ce qui avait désorganisé les filières.
Des sandales et un ours en peluche
Des photos d'autres camps fournies par la police témoignent du passage de jeunes enfants, dont une paire de sandales et un ours en peluche rose.
La Malaisie, pays à majorité musulmane et relativement prospère, est un aimant pour les migrants: des Rohingyas, minorité musulmane vivant essentiellement en Birmanie qui fuient les persécutions et des Bangladais, qui cherchent à échapper à la pauvreté.
Des villageois de la région ont raconté à l'AFP avoir vu ces derniers temps des Rohingyas et des Bangladais dépenaillés. Certains étaient couverts de vilaines cicatrices, avaient les pieds ensanglantés pour avoir apparemment traversé la frontière à pied et demandaient de la nourriture et de l'eau aux habitants.
Des voitures conduites par des inconnus venaient de temps à autre les chercher, selon les villageois.
D'après les associations, la région frontalière de Wang Kelian est bien connue pour être un point de passage clé des filières qui acheminent les migrants du Bangladesh et de Birmanie vers la Malaisie et au-delà.
Les défenseurs des droits de l'Homme accusent de longue date Kuala Lumpur de ne pas en faire assez contre la traite, qui disent-ils, est l'oeuvre de bandes organisées agissant avec la complicité des autorités.
Avant la découverte des fosses, le responsables malaisiens assuraient qu'il n'y avait pas de tels charniers ou camps de migrants sur leur territoire.
Mais mardi, le ministre de l'Intérieur Zahid Hamidi a déclaré que le gouvernement soupçonnait à présent les trafiquants et des agents d'être de mèche.
"Nos enquêtes ont montré qu'ils collaborent les uns avec les autres, non seulement à l'échelle locale mais qu'ils ont des liens internationaux avec la Thaïlande, le Bangladesh et la Birmanie", a déclaré le ministre, cité par le site Malaysian Insider.
26 mai 2015,Mohd Rasfan Nor
Source : AFP