Critiquée pour son silence et sa passivité sur les naufrages de migrants clandestins en Méditerranée, l'Union africaine (UA) a rendu un timide hommage mercredi aux milliers d'Africains qui ont trouvé la mort sur le chemin de l'Europe ou du Moyen-Orient.
Lors d'une cérémonie organisée à son siège d'Addis Abeba, l'organisation continentale a lancé un appel aux dirigeants africains à faire davantage pour s'attaquer aux réseaux de passeurs.
"Le trafic humain est un business attractif, qui comporte peu de risques. Le risque d'être arrêté et jugé pour les passeurs est faible. Nous devons en faire une activité à risque pour le crime organisé", a expliqué Olawale Maiyegun, directeur des Affaires sociales de l'UA, rappelant que le profit généré par le trafic humain est estimé à 10 milliards de dollars par an.
Plus de 2.400 migrants ont trouvé la mort depuis le début de l'année, dont 1.829 en Méditerranée selon des chiffres de l'Organisation internationale des migrations (OIM), qui ne se fonde que sur les incidents constatés.
La majorité des migrants clandestins sont Africains, une crise révélatrice des défaillances des dirigeants africains dénoncent associations et personnalités.
"L'Union africaine réagit toujours en dernier! L'Europe a très rapidement organisé un sommet de crise. Les Africains fuient l'Afrique et risquent leur vie et la seule organisation continentale que nous avons ne réagit pas", s'agace Désiré Assogbavi, le représentant de l'ONG Oxfam auprès de l'Union africaine. M. Assogbavi appelle les responsables africains à adopter un plan d'action pour faire cesser l'hémorragie des départs.
"La Chine a su contenir sa force de travail pour se hisser au rang des grandes puissances et nous, nous les laissons partir", ajoute t-il.
Une poignée d'ambassadeurs
Ces propos font écho à ceux du gynécologue congolais Denis Mukwege, prix Sakharov 2014 du Parlement européen pour les droits de l'Homme, qui déplorait lundi à Rome le silence des dirigeants africains face aux drames de l'immigration en Méditerranée.
Alors que les Européens "s'indignent quand il y a 1.800 morts, on aurait bien voulu qu'il y ait un sommet spécial des présidents (africains), ne serait-ce que pour pouvoir exprimer leur indignation et voir à leur niveau ce qu'ils peuvent faire pour éviter ces drames", a-t-il déclaré à l'AFP, en marge d'une conférence à Rome sur la Méditerranée.
De fait, la cérémonie de mercredi, la première du genre au siège de l'Union africaine, n'a attiré qu'une poignée d'ambassadeurs africains et de dignitaires. Une grande partie du Hall Nelson Mandela est restée vide. La présidente de la Commission, Nkosazana Dlamini-Zuma n'a pas assisté à la commémoration au cours de laquelle des religieux chrétiens et musulmans ont prononcé des bénédictions.
L'ambassadeur éthiopien a insisté sur le fait que son pays avait commencé à prendre des mesures. "Nous sommes en train de changer nos lois et nous avons commencé des campagnes de sensibilisation dans les communautés" a assuré Wahade Belay, en référence aux efforts du gouvernement éthiopien pour durcir les sanctions contre les réseaux de passeurs. L'Éthiopie figure parmi les pays d'où sont originaires un grand nombre de migrants.
La crise des migrants figure à l'agenda du sommet des chefs d'État de l'Union africaine qui se tiendra le mois prochain à Johannesburg (Afrique du Sud).
27 mai. 2015,Karim LEBHOUR
Source : AFP