Nador est-elle devenue le nouveau point de passage pour les Syriens cherchant de la protection internationale en Europe ? C’est ce que laissent penser les flux, de plus en plus importants, de ressortissants syriens enregistrés ces derniers mois dans cette ville du Nord du Royaume.
Selon certains chiffres avancés par l’AMDH-section Nador, près de 300 Syriens ont débarqué dans cette localité en 20 jours. Des personnes qui semblent avoir refusé jusqu’à présent de se présenter devant le bureau du HCR nouvellement inauguré à Mellilia par les autorités marocaines et espagnoles. Un sit-in a été même observé, jeudi 28 devant le consulat d'Espagne à Nador.
«Trois hôtels de la ville sont pleins à craquer de personnes qui se présentent comme d’origine syrienne. On ne compte parmi eux que 15 Palestiniens », nous a expliqué Omar Naji de l’AMDH-section Nador avant d’ajouter que ces personnes ont déclaré venir du camp de Yarmouk, un quartier de Damas qui abrite près de 18.000 Syriens et Palestiniens, et qui a récemment subi les affres des combats entre le régime et les rebelles ainsi qu’entre les organisations palestiniennes et les jihadistes.
Selon notre source, ces personnes ont accédé au territoire marocain via les frontières algériennes à l’aide de passeurs. Leur objectif : accéder à Mellilia pour chercher refuge en Europe. « L’ouverture de deux bureaux d’accueil des dossiers de demande d’asile dans la bande de terre séparant les présides occupés de Sebta et Mellilia du reste du Maroc et qui sont chargés d’identifier les migrants ayant le droit de demander une protection internationale ainsi que d’assurer le traitement de leurs dossiers, a suscité un appel d'air auprès des Syriens», nous a indiqué Hassan Amari, spécialiste des questions migratoires et d’asile avant de poursuivre : « En effet, cette information a été largement relayée entre eux. Notamment par les réseaux de passeurs qui sont très actifs dans la région et qui semblent profiter de la situation. Il ne se passe pas un jour sans que des voitures de passeurs ne franchissent les frontières maroco-algériennes avec plus de 10 ressortissants syriens à bord». Selon Omar Naji, ces Syriens ont tenté, à plusieurs reprises, de forcer le passage de Béni Ansar pour entrer à Mellilia. Des tentatives qui ont réussi parfois mais qui ont souvent échoué. « Cela dépend du bon vouloir des autorités espagnoles qui ferment parfois les yeux pour laisser passer quelques centaines de réfugiés en vue de gonfler les chiffres», nous a précisé Hassan Amari.
Selon un document du HCR-Maroc, outre les Congolais et les Ivoiriens, les Syriens font partie des premières nationalités ayant déposé des demandes de protection internationale au Maroc. Ils représentent respectivement 19, et 18 et 29%.
Pourtant, ces Syriens qui cherchent refuge au Maroc ont du mal à se fixer sur leur sort puisque le gouvernement marocain tarde à prendre des décisions les concernant. Personne ne sait s’ils vont bénéficier du statut de réfugiés, d’une simple protection temporaire ou d’une autre forme de protection alors que le HCR-Maroc recommande, pour sa part, de leur octroyer des cartes de réfugiés, à l’instar de ceux qui ont été régularisés par la commission ad hoc.
Les Syriens sont enregistrés sur deux listes. La première est composée d'un groupe de 853 personnes enregistrées avant septembre 2013. Le second concerne 49 personnes enregistrées entre septembre 2013 et décembre 2014. La commission ad hoc mise en place par le Maroc a finalisé les auditions de la première liste le 22 juillet 2014 et a commencé à interviewer des réfugiés de la seconde liste le 26 février 2015.
1 Juin 2015, Hassan Bentaleb
Source : Libération