Dans le contexte actuel de la crise des migrants, il est une phrase que l'on entend beaucoup : "L'Europe vieillissante a besoin de l'immigration"... L'immigration est donc présentée comme LA solution face au vieillissement de la population européenne. Or, si l’immigration a une influence positive sur le dynamisme de notre économie, elle ne peut par contre pas aider l’Europe à rajeunir sa population.
Le vieillissement de l'Europe, c'est l'augmentation de sa population âgée par rapport à sa population active. Pour lutter contre le vieillissement, il faudrait donc éviter que l'écart ne continue de se creuser, et donc conserver ce rapport tel qu'il est aujourd'hui... Et ça, même avec l'immigration, c'est très compliqué.
Hervé Le Bras, démographe français, a rédigé un rapport sur cette question pour le parlement européen. Il explique : "Si on veut maintenir le nombre de personnes âgées dans la même proportion par rapport aux personnes actives, les calculs montrent qu'il faudrait que 592 millions de personnes migrent vers l'Union européenne, entre 2005 et 2050. C'est absolument énorme. Par pays, ça donne par exemple 1,2 million de personnes en plus chaque année en France." Cela équivaut à un peu plus que la population actuelle de l'Union. C'est donc tout simplement irréalisable...
Ensuite, il y a un deuxième élément, qui est somme toute assez logique : les migrants vieillissent, eux aussi, et donc il faudrait les remplacer à leur tour. Autrement dit, il faudrait au final une immigration exponentielle. Hervé Le Bras ajoute aussi : "Le taux de fécondité, généralement plus élevé chez les immigrés, n'a pas d'effet significatif. Leur fécondité baisse rapidement après une génération."
L'immigration contre l'érosion de la population
Selon le démographe, l'immigration peut par contre permettre de garder une population totale constante : "Là, c'est beaucoup plus facile pour l'Europe. Les calculs montrent qu'on aurait besoin au plus d'une trentaine de millions de personnes jusqu'à 2050. C'est possible parce que le fait que l'on vive plus longtemps permet à la population d'augmenter même si la fécondité est un peu faible."
"C'est d'ailleurs cette voie qu'a choisie l'Allemagne, précise-t-il. Elle s'est inquiétée assez vite de sa faible fécondité qui est de 1,40 enfant par femme. Mais les aides à la natalité n'y ont rien changé. Et donc le gouvernement s'est orienté vers une politique d'immigration pour le renouvellement de la main d'œuvre et de la population."
L'exemple allemand
Depuis 2013, l'Allemagne est effectivement devenue la deuxième destination d'immigration au monde. Vu son taux de fécondité particulièrement bas, elle s'attend à perdre 10 à 15 millions d'habitants d'ici à 2050, alors que sa population actuelle est de 80 millions d'habitants.
Elle a donc voulu réagir, mais l'immigration n'est évidemment pas la seule mesure qu'elle a prise, explique Dominik Grillmayer, chercheur à l'Institut franco-allemand de Ludwigsburg : "Les autres éléments principaux sont une meilleure participation des femmes au travail parce qu'elles travaillent pour le moment surtout à temps partiel, et puis il faudra travailler plus longtemps. L'âge de la retraite a déjà été reculé à 67 ans. Il faudra peut-être se préparer à le reculer encore."
L'immigration fait donc partie d'une stratégie plus globale. Mais, il faut le noter, l'Allemagne n'ouvre pas ses portes à tout le monde pour autant : elle pratique une immigration choisie. Elle accueille surtout des personnes hautement qualifiées. Via un mécanisme européen, la carte bleue, elle sélectionne ses immigrés. Il leur faut un diplôme d'étude supérieur, et un certain niveau de salaire.
Mais cela ne suffit pas à attirer assez de monde, alors l'Allemagne a déjà assoupli ces conditions. "On a déjà commencé à changer la donne, explique Dominik Grillmayer. On travaille sur une meilleure reconnaissance du diplôme et des formations étrangères. On a travaillé aussi sur les seuils concernant le salaire annuel minimum à prouver pour obtenir un titre de séjour : ce seuil a été abaissé à 46 000 euros brut."
Cela reste considérable évidemment, mais le seuil a bel et bien été abaissé. Et d'après Dominik Grillmayer, les patrons allemands font de plus en plus pression pour que leur pays accueille aussi des migrants moins qualifiés, que l'on formerait alors en Allemagne.
L'impact positif de l'immigration sur l'économie
De nombreuses études ont en tous cas déjà montré l'impact positif que l'immigration a, déjà maintenant, sur l'économie.
François Gemenne, spécialiste des flux migratoires, professeur à l'ULG et à Sciences Po Paris, ne dit pas autre chose : "Ils occupent généralement des positions qui ne sont pas remplies par les travailleurs nationaux. Plusieurs secteurs économiques, comme l'hôtellerie, la restauration, le gardiennage ou la construction, reposent très largement sur l'apport économique des migrants. C'est le cas aussi de domaines de pointe, dans les nouvelles technologies de l'information, ou en médecine. Les migrants constituent une main d'oeuvre indispensable." Et ceci n'est qu'un exemple. L'économie a donc besoin de l'immigration pour garder son dynamisme.
3 juin 2015 , D.V.O.
Source : rtbf.be