jeudi 4 juillet 2024 04:29

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Des immigrés du Danemark exhortent à voter en masse

La montée du parti anti-immigration au Danemark est tout sauf une fatalité pour un groupe de militants qui exhorte les immigrés à la contrer en votant en masse aux législatives du 18 juin.

"Je vais montrer mon mécontentement en votant blanc", affirme Shahed Yaqoob à quelques pas de la gare de Nørrebro, le quartier de Copenhague où a grandi et été abattu Omar El-Hussein, l'auteur d'attaques terroristes qui ont fait deux morts en février.

"Je pense que c'est tragique que chaque fois qu'il y a une élection il faut recommencer ce débat électoral ïsur les immigrésû. Mais que fait-on des immigrés qui travaillent vraiment bien?" s'interroge M. Yaqoob, d'origine pakistanaise et qui travaille dans l'informatique.

Les attentats de février, où ont péri un cinéaste et un juif, ont été largement absents de la campagne. Mais pour beaucoup de Danois, Omar El-Hussein restera, avec les centaines de jeunes hommes en sweat à capuche venus à son enterrement, le symbole des ratés de l'intégration.

Les Danois nés à l'étranger se sentent souvent mal représentés par la classe politique, voire exclus d'un débat où les anathèmes du Parti populaire danois (DF, environ 18% des intentions de vote) influencent jusqu'aux sociaux-démocrates. Quand lors d'un débat on lui a demandé si son pays était multiculturel, la chef de gouvernement Helle Thorning-Schmidt a répondu que non.

Sur ses 5,7 millions d'habitants, 9% sont pourtant nés à l'étranger, dont 296.000 dans des pays qualifiés de "non occidentaux" par Statistiques Danemark.

D'après Kora, un institut de recherche public, parmi les 530.000 majeurs issus de l'immigration, un tiers seulement ont le droit de vote, et leur taux de participation est de 25 points de pourcentage inférieur à celui des inscrits originaires du Danemark. Certains connaissent mal la langue après des années de chômage, d'autres ne trouvent pas de candidat à qui s'identifier.

 Chômage, délinquance

"Le processus d'intégration connaît parfois des échecs", reconnaît Bilal Elfout, élu de Nørrebro qui a lancé la page Facebook "Yalla, votez" pour inciter les immigrés à aller aux urnes. "On n'a pas exigé assez des immigrés, tout en leur donnant l'occasion de s'intégrer sur le marché du travail".

La branche scandinave du groupe islamiste Hizb ut-Tahrir a appelé les musulmans à boycotter les élections, considérant la démocratie comme "un navire en perdition".

M. Elfout, au contraire, les invitait à assister à un discours d'un imam sur "la nécessité et la légitimité du travail politique au Danemark" à la Grande mosquée de Copenhague, financée par le Qatar. Celle-ci a aussi accueilli un débat avec tous les partis parlementaires, à l'exception du DF et des conservateurs, petit parti de droite.

Si le Danemark peut se targuer d'un État-providence et d'un marché du travail parmi les plus performants au monde, ses citoyens d'origine étrangère ont toujours plus de chances que les autres Danois de tomber dans le chômage ou la délinquance.

La présence de gangs appelés Brothas ou Loyal to Familia peut surprendre dans un pays qui offre école et santé publiques gratuites, ainsi qu'une multitude de programmes sociaux ciblant les immigrés.
Un tiers des adolescents d'origine étrangère ne finissent pas le lycée, et c'est parmi eux que le soutien à Omar El-Hussein est fréquent, voire que s'est répandue l'idée que les attentats de février étaient un coup monté pour justifier une répression contre les musulmans.

"Ils ne quittent leur quartier qu'en groupe, et cela se voit qu'ils ne sont pas à l'aise parce qu'ils ne savent pas comment se comporter", explique le sociologue Aydin Soei, qui en a rencontré beaucoup, dont Omar El-Hussein.

Pour lui, une amélioration notable de la politique d'immigration, depuis l'arrivée du DF au Parlement en 2001, a été l'obligation d'apprendre le danois, qui "facilite beaucoup" l'intégration selon M. Soei.

 Parti pro-immigrés

"Pendant de longues années ç'a été facile et pratique pour le gouvernement de parquer les réfugiés dans les mêmes HLM", déplore Yahya Hassan, poète de 20 ans d'origine palestinienne qui était devenu célèbre en 2013 avec son premier recueil, dénonçant la violence de son père et les entorses des musulmans à l'islam.

"Où est le problème quand il y a de bonnes fenêtres, l'eau chaude et des éviers en inox? Le problème c'est que nous avons contribué à isoler un vaste groupe", dit-il.

Cité en exemple par l'extrême droite, il avait décidé de s'engager contre elle en rejoignant le Parti national, formation pro-immigrés fondée par trois frères d'origine pakistanaise.

Cette jeune formation n'a pas pu présenter de candidat sous son étiquette, faute de fournir à temps les 20.000 signatures nécessaires. Yahya Hassan sera candidat non inscrit. Mais pour lui, "le fait d'avoir lancé un parti est un signe que nous voulons faire partie intégrante de la société danoise".

Sören BILLING

12 juin 2015

Source : AFP

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