vendredi 22 novembre 2024 14:48

Livre: Rachida M’Faddel dévoile son roman «Le mirage canadien»

Dans le cadre de la 16ème édition du Salon International de l’édition et du livre (SIEL), qui se tient du 12 au 21 févier 2010 à la Foire internationale de Casablanca et qui met à l’honneur les Marocains du monde, Rachida M’Faddel, MRE qui vit au Québec depuis 9 ans, présentera son nouveau roman intitulé «Le mirage canadien». Dans son second livre, l'auteur aborde un nouvelle fois la question de l'émigration à travers l'histoire d'un Marocain qui décide de partir vers le Canada en quête d'un rêve qui tournera parfois au cauchemar.

 

Yabiladi.com :Qu’est ce qui vous a conduit et motivé à écrire un livre ?

Rachida M’Fadddel :A travers mon regard d’écrivain ayant vécu en France et au Canada, je crois pouvoir faire une analyse non exhaustive de l’impact de l’immigration sur l’identité et la personnalité de ceux et celles qui pour une raison ou une autre décident de partir. Le thème de l’immigration a toujours été d’actualité. Chaque année, des milliers de personnes pour diverses raisons émigrent à travers le monde à la recherche d’une meilleure vie. Dans cette quête, ils n’hésitent pas à quitter leur village, leur ville, leur pays ou leur continent. Partir, c’est toujours faire le deuil, la mise en terre des habitudes, des repères, de la structure familiale élargie, de la culture identitaire et de l’espace socio-religieux. Pour ma part, je vis depuis bientôt 10 ans au Canada et je me suis heurtée aussitôt arrivée à l’inconnu dans toute sa dimension. Je voulais écrire et décrire cette réalité à laquelle j’assistais à travers les tranches de vies que j’ai rencontrées.

Lorsque nous (les marocains) décidons d’immigrer au Canada, nous faisons la plupart du temps ce choix car nous pensons faire notre vie dans un pays français en Amérique du Nord. Comme les maghrébins sont habitués aux réalités françaises, ils croient arriver en pays conquis. Dure est la chute lorsqu’ils réalisent qu’au Québec il faut parler anglais et que les codes sociaux aux Québec ne sont pas du tout les mêmes qu’en France. Il faut nécessairement un temps avant de s’adapter, de s’ajuster, ne serait-ce qu’à l’humour québécois. Tout est si grand, si vaste et tout est à refaire. J’ai rencontré bon nombre de personnes de différentes origines qui étaient soit en souffrance en raison de leur impossibilité à trouver du travail, à cause des enfants qui leur échappent, à cause de leur couple qui bat de l’aile ou encore à cause de la sollicitude, de l’éloignement de la famille élargie. Mon livre a interpellé tous ceux qui l’ont lu, qu’ils soient d’origine polonaise, israélienne, suisse, française, roumaine, iranienne, japonaise (oui il y a des japonais qui immigrent au Canada). Car l’immigration au Canada n’est pas la même qu’en Europe ou aux États-Unis. Elle paraît plus facile mais en même temps elle exige que ceux qui s’y aventurent soient bien préparés.

Immigrer dans un pays comme le Canada qui est en même temps un pays d’ouverture et d’égalité entraîne automatiquement un rejet sinon une distance par rapport aux valeurs d’autrefois et c’est là encore une des failles dans le système car les enfants sont surprotégés, d’où le décrochage scolaire et l’éclatement de la famille.

Le choix du titre est-il fortuit ?

Au Maroc le titre est Canada, Aller simple. Auparavant, dans la version québécoise, le titre était le mirage canadien car il me semble que le Canada pour beaucoup ressemble à un mirage. Je pense que c’est à chacun de se créer sa chance et de transformer le mirage en miracle.

Quels sont les messages que vous souhaitez communiquer ?

De nombreuses personnes ont vu leurs espoirs anéantis pour de multiples raisons. Cependant, il n’y a pas que des histoires d’échecs et de difficultés criantes, il y a également de nombreuses réussites et des miracles comme seul le Canada peut en offrir. Fatima Houda Pépin est députée libérale et a prêté serment sur le Coran. Amir Khadir d’origine iranienne est lui aussi député au Québec. Plusieurs autres députés provenant de différentes origines siègent au parlement fédéral.

Selon Statistique Canada, 30% des Maghrébins se trouvent sans emploi. C'est le plus haut taux de chômage devant les Noirs et les Latinos.

C’est vrai qu’une fois au Canada, le rêve se heurte souvent à la réalité du vécu quotidien. L’immigrant a fondé son projet d’émigration sur son expérience et ses diplômes. Parmi les surprises qui l’attendent, il y a la non-reconnaissance des diplômes, de l’expérience de travail à l’étranger et l’exigence d’une expérience canadienne, sans oublier les portes des ordres professionnelles qui sont hermétiques. Mais il faut se battre et se trouver des solutions de rechange, des plans « B ». Dès les premières années, le couple souffre de l’éloignement, de l’isolement et des difficultés inhérentes au processus de recherche d’emploi. Autant d'obstacles à l'intégration. Souvent, il leur faut se contenter de l’aide sociale et des allocations familiales en attendant d'intégrer le marché du travail. Certains mettent à profit cette période « tampon » pour reprendre des études et pouvoir ensuite se prévaloir d’une mise à niveau ou pourquoi pas d’une nouvelle carrière professionnelle.

Les hommes subissent beaucoup de frustration en raison de la situation de précarité financière engendrée par la difficulté de trouver un travail, d’où le creuset au sein du couple et l’éclatement de la famille. Ainsi, de nombreux couples se séparent faute d’arriver à un consensus. Les reproches fusent de part et d'autre alors que les enfants sont les principales victimes de cet échec. C’est ainsi que dans la communauté d’origine marocaine les statistiques parlent de plus de 50 % de divorce.

De nombreux marocains ambitionnent de rejoindre des pays étrangers donc le Canada, terre d'immigration. Est-ce un territoire propice à l'épanouissement ?

Définitivement. Oui. Le Canada est un territoire propice à l’épanouissement mais il faut faire sa place. Tout est mis en œuvre pour permettre aux nouveaux arrivants de s’intégrer et s’adapter. Rien n’est laissé au hasard, si ce n’est la difficulté de pénétrer les ordres professionnels. Mais beaucoup ont réussi là où d’autres ont échoué. Nous sommes sur une ligne de départ et lorsque le signal est donné, certains vont courir, courir à en perdre haleine pour enfin récolter le ou les produits de leurs efforts, d’autres vont marcher, tomber, se relever, se lamenter, et renvoyer la faute sur les autres, la fatalité, le destin. Rien n’est facile c’est vrai. Mais au Canada des mesures sont mises en place pour favoriser la recherche d’emploi. Des mesures de discrimination positives permettent aux nouveaux arrivants de bénéficier de priorité en matière d’emploi dans les organismes gouvernementaux. D’ailleurs, moi-même j’ai bénéficié de ce programme, je travaille au gouvernement du Québec depuis 8 ans.

Un dernier mot ?

Je siège au Conseil d’administration de l’association AFEMPAQ (Association des Femmes chefs d’Entreprise Marocaine et Professionnelles au Canada) qui œuvre dans des projets caritatifs au Maroc et au Québec pour une solidarité et un transfert des connaissances au-delà des frontières. En outre, cette association offre un soutien et un accompagnement actif à l’intégration des nouveaux arrivants. Les motivations du départ sont multiples et diverses. Il y a l’exil subi pour raisons politiques afin de fuir une situation politique instable ou un régime totalitaire, la guerre, les persécutions ou l’occupation et puis l’immigration choisie pour des raisons économiques, pour des convictions politiques ou religieuses. D’autres, encore, fuient leur pays en raison des risques de cataclysmes et de catastrophes d'origine naturelle.

Au Maroc, des hommes et des femmes décident de partir pour non seulement s’offrir une meilleure qualité de vie, mais surtout garantir un meilleur avenir à leurs enfants. Qu’importe l’endroit où l’on s’installe, l’immigrant doit se faire sa place et se bâtir une nouvelle vie.

Source : Yabiladi

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