mercredi 3 juillet 2024 10:16

picto infoCette revue de presse ne prétend pas à l'exhaustivité et ne reflète que des commentaires ou analyses parus dans la presse marocaine, internationale et autres publications, qui n'engagent en rien le CCME.

Taha Adnan, poète marocain résidant en Belgique : “Ce n’est pas facile de changer de langue d’écriture”

Quand Taha Adnan quitta le Maroc vers la Belgique, il était déjà un jeune poète prêt à intégrer le cercle des
versificateurs reconnus. Dans son Plat-Pays, il continua son œuvre avec passion et surtout avec un  sentiment du devoir accompli. A Bruxelles, il n’est plus uniquement poète, mais bel et bien un médiateur culturel et l’une des passerelles de la littérature marocaine en Europe.

Libé : Votre recueil de poèmes « Je hais l’amour » vient de paraître aux éditions Le Fennec. Que signifie cette parution dans votre parcours de créateur ?

Taha Adnan : Je suis très heureux de voir ce recueil paraître aux éditions Le Fennec en partenariat avec le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger et le ministère délégué chargé de la Communauté marocaine résidant à l'étranger et dans le cadre d’une édition du Salon international de l'édition et du livre de Casablanca qui met les Marocains du monde à l’honneur. Surtout que c’est le fruit d’une décennie de vie dans les terres d’immigration et précisément dans ce Plat-Pays qui est devenu aussi le mien. Sa version originelle a été éditée l’année dernière chez Dar Al-Nahda à Beyrouth, mais sa parution au Maroc cette année, et en version bilingue, m’enchante doublement.

La parution en français et en arabe, est une expérience singulière, mais n'avez-vous pas craint une double lecture ?

Vous savez que toute traduction est, quelque part, une trahison. Un texte écrit en langue arabe, surtout poétique, est difficilement reproduit dans une autre langue. Cela relève presque de l’impossible quant à l’intégrité du sens des termes, de la musicalité du rythme et de la fiabilité du sens recherché. Mais quand la traductrice est elle-même poétesse la double lecture permet un double plaisir.

Vous êtes résident en Belgique et vous écrivez en langue arabe. Quelle portée à ce choix sur votre psychologie de créateur ?

Quand je suis arrivé en Belgique pour la première fois, j’avais 26 ans. J’étais donc un produit fini made in Morocco avec ma culture, mes habitudes et ma langue d’écriture. Cette langue se donne complètement à moi et je ne vois pas pourquoi je devrais la changer… surtout qu’on ne change pas sa langue d’écriture aussi facilement que sa coupe de cheveux. Et je n’ai aucune frustration à vivre, travailler et communiquer en français sans jamais l’écrire, dans le sens littéraire et artistique du terme.

Vous êtes omniprésent dans les activités littéraires en Belgique,. Pouvez-vous nous faire un bilan de la présence marocaine dans ce pays ?

Officiellement, la présence marocaine en Belgique fête ce 17 février ses 46 ans. Sur ces 46 ans, cette présence qui était constituée au départ de simples forces de travail s’est développée. Les deuxième et troisième générations sont toujours là. D’autres vagues d’immigration ont ramené des réfugiés politiques et des étudiants qui ont aussi contribué à donner à cette présence marocaine une certaine énergie et un certain pluralisme. Aujourd’hui, la communauté marocaine est l’une des plus actives et des plus dynamiques au niveau culturel. Dois-je rappeler que la ministre francophone de la Culture est d’origine marocaine ?

Pour ma part, je contribue à travers le Salon littéraire arabe de Bruxelles et les activités que j’organise avec le très actif Centre nomade des arts "Moussem" à mettre en valeur cette dynamique littéraire et artistique. Je suis content de réaliser que la Belgique commence à rassembler tout un bouquet d’écrivains marocains qui écrivent à la fois en arabe, en français et en néerlandais. Je peux citer : Mohammed Berrada, Allal Bourqia, Mohamed Zelmati, Saïd Ounous, Ghoubari El Houari, Abdelmounem Chentouf en arabe. Leïla Houari, Issa Aït Belize, Saber Assal, Mina Oualhadj, Betty Batoul en français et Rachida Lamrabet, Nadia Dala, Naiema Bediouni en néerlandais et la liste n’est pas exhaustive.

Nous avons vu récemment la parution d'une initiative flamande présentant la littérature marocaine dans tous ses aspects, comment l'évaluez-vous?

Vous parlez de la Caravane d'écrivains Maroc-Flandre organisée à l'initiative de l'Association littéraire bruxelloise Het beschrijf en partenariat avec "Moussem" et la Maison des cultures maroco-flamande "Darkoom". C’est une belle initiative qui va justement dans le sens de créer un espace de partage culturel et littéraire, ainsi que de faire découvrir les littératures respectives et, surtout, de contribuer à une meilleure connaissance des deux pays. C’est un bel exercice d’échange interculturel à répéter et à élargir.

Source : Libération

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