vendredi 22 novembre 2024 15:20

Salon international de l'édition et du livre de Casablanca Mémoire de l'immigration

Le Salon du livre a été hier l'occasion de débattre des mutations de la migration représentée aujourd'hui par de grands auteurs de la diaspora marocaine.

En cette seizième édition du Salon international de l'édition et du livre de Casablanca, le Maroc a pris le parti de mettre les écrivains marocains du monde à l'honneur, en collaboration avec le CCME (Conseil de la Communauté marocaine à l'étranger). Une façon de promouvoir le rapprochement et le dialogue des cultures entre les deux rives de la Méditerranée.

Mais pas seulement. Cet événement donne aussi l'occasion de se pencher sur le processus d'immigration qui a permis l'éclosion d'un grand nombre de ces auteurs maghrébins en Europe. Une conférence donnée au SIEL sur l'histoire de l'immigration a permis un tour d'horizon des initiatives sociales en matière de sauvegarde de la mémoire depuis l'arrivée des primo migrants et une présentation des nouvelles pistes de recherche sur ces projets historiques en France, aux Pays-Bas et en Belgique. «Nous avons déjà entamé ce travail sur la mémoire en 2009 par une exposition itinérante qui s'étale sur pas moins d'un siècle d'histoire», a déclaré en ouverture Driss El Yazami, président du CCME soulignant que l'approche entreprise n'a pas été prismatique mais multiple.

«Le facteur économique ne justifie pas à lui seul l'immigration. L'institution militaire, les raisons politique et estudiantine expliquent et justifient d'autant le projet migratoire», poursuit Driss El Yazami. Pour sortir du seul paradigme social lié a priori à l'immigration, l'exposition se veut une fresque largement culturelle de cette histoire migratoire avec en point focal les apports longtemps marginalisés des migrants marocains à leur pays d'accueil tout autant qu'à leur pays d'extraction. «Par cette démarche, a poursuivi Driss El Yazami, nous contribuons dans une certaine mesure à changer la perception de la migration dans les pays d'accueil et à mettre en lumière les mutations que connaît cette migration, grâce entre autres à ces écrivains, et à ses créateurs représentés aujourd'hui à ce Salon». La France apparaît, à cet égard, comme ayant une longueur d'avance sur la question historique, son immigration étant plus ancienne. Aux Pays-Bas et en Belgique en revanche, les travaux d'investigation historique sur la mémoire des immigrés depuis les années 60 à nos jours, sont encore balbutiants. Or, les études sur le concept de «transnationalisme», tel que l'évoque Nadia Bourras, chercheuse néerlandaise, et la sauvegarde imminente de cette histoire de la migration sont une préoccupation commune aux trois pays.

«Le défi est de sauver cette mémoire afin de la transmettre à la 2e et à la 3e générations afin d'aider ces dernières à comprendre ce qu'elles sont aujourd'hui. «L'association néerlandaise Dakira a entrepris ce travail de recherche mnémonique», témoigne M'hammad El Ouafrassi, travailleur et militant associatif. De même pour la Belgique qui édite un Guide des sources sur 50 ans d'immigration, grâce à l'association Karima», explique Ahmed Mahou, psychopédagogue. La France, quant à elle, a déjà pris son destin historique en main… Jacques Toubon, ministre de la Culture et de la Francophonie entre 1993 et 1995, présent également, rappelle à juste titre l'existence de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration qui a ouvert ses portes en 2007 à Paris, et dont il est président du Conseil d'orientation. Une institution qui doit beaucoup au réseau associatif, aux militants politiques et au travail scientifique des historiens qui ne voulaient pas que les migrants après avoir vécu toute leur vie dans l'ombre, tombent définitivement dans l'oubli après leur disparition. «Au départ, cette reconnaissance des origines ou la simple évocation de celles-ci était une hérésie sociale et donc purement interdite, soucieuse qu'a toujours été la France de préserver l'égalité de la citoyenneté et des principes républicains», a dit en substance Jacques Toubon.

Il est vrai que contrairement aux autres pays européens, la France considérait l'assimilation comme le seul contrat social national possible. La France ne se raconte pas son histoire, ne revendique pas sa différence comme une richesse, mais a toujours prêché l'uniformité comme garant de l'intégration. Or, l'histoire de France, c'est aussi l'histoire de cette migration. Le projet de cette Cité nationale, mené par Driss El Yazami, a-t-il eu, de ce fait, du mal à vaincre les réticences politiques et n'a fini par voir le jour, qu'en 2002, lors des élections présidentielles. Aujourd'hui, cette Cité se veut un élément majeur de la cohésion sociale et républicaine de la France auquel le partenariat avec les pays d'origine serait une pierre de plus à l'édifice migratoire «notamment pour le volet contemporain», a précisé l'ancien ministre français de la Culture. Une politique qui rend enfin grâce à cette multitude d'hommes et de femmes qui ont contribué et contribuent encore à l'édification de la nation française à l'heure où pourtant un débat sur l'identité nationale a fait rage.

Source : Le Matin

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