Pendant longtemps on a improprement utilisé le terme de « migrant » pour désigner une diversité de situations, y compris celle des réfugiés. Le terme de migrant est en effet imprécis puisqu’il ne distingue pas la personne qui quitte le pays dont elle est originaire pour améliorer sa vie, de celle qui n’a d’autre choix car sa survie en dépend. Il dénierait ainsi au réfugié la persécution qu’il subit ou qu’il craint de subir.
Après l’émotion enfin suscitée par les images de ce petit garçon mort sur la plage – ce n’était pourtant malheureusement ni le premier ni le dernier – le terme de « réfugié » est davantage utilisé. Cela permet de ne pas confondre et de ne plus jeter l’opprobre sur tous les étrangers, ce qui était globalement le discours du FN. Cela se traduit notamment dans la distinction entre les pays dits « sûrs », des autres.
Si, en théorie, cette distinction est facilement compréhensible, en pratique, les choses sont plus compliquées. Il existe des pays que l’on dit « sûrs » dans lesquels, en fonction de son appartenance religieuse ou ethnique, on peut faire l’objet de persécutions. C’est le cas, par exemple, des couples arméno-azéris, dont l’alliance n’est pas tolérée par la société arménienne. L’Arménie étant classée comme pays sûr, la persécution des Azéris n’est pas reconnue. Ensuite, dans les pays en proie à la guerre civile, comment savoir si la personne qui arrive fuit une persécution ciblée ou une misère généralisée ? Enfin, un autre type de migration, absolument contrainte, est ignoré, celle qui trouve sa source dans les catastrophes climatiques, dont le nombre équivaut largement à celles dont l’origine est politique.
De plus, on peut craindre que cette distinction renforce le rejet dont sont victimes ceux qui ne sont pas distingués comme réfugiés. Cela amène à faire un tri entre les bons et les mauvais, cela entretient cette idée, si largement répandue, que l’immigration serait un problème.
Ceux qui quittent leur pays, dans des conditions le plus souvent désastreuses et au péril de leur vie, ne seront pas dissuadés par nos discours, nos frontières, nos distinctions juridiques. Tant que ces conflits existent et que la misère mondiale s’étend, ceux qui le pourront partiront pour tenter un avenir meilleur pour eux ou leurs enfants. Et nous ferions de même si nous étions confrontés à la même situation. Alors plutôt que de gaspiller tant de moyens à la chasse aux tricheurs – réels ou supposés – nous ferions sans doute mieux d’accueillir ceux qui viennent dans les conditions les meilleures et les plus respectueuses possible. Ce ne sont pas les immigrés qui sont un problème, mais les conditions dans lesquelles on les accueille.
28/9/2015, Barbara Romagnan
Source : humanite.fr