Les larmes ne quittent pas les yeux rougis de Leïla. Et après une période d'abattement, la mère de famille a décidé de lever la tête, de raconter son histoire et de se battre. « En 2005, mon mari m'a demandé de quitter le Maroc, où j'avais un travail de fonctionnaire depuis 15 ans, pour le rejoindre. Il voulait créer sa société. Je n'étais pas d'accord, car je n'avais plus de lien avec mon mari depuis longtemps. La violence, l'incompréhension ... » Mais Leïla est contrainte d'accepter. « Il m'a fait du chantage aux enfants en me disant qu'ils allaient me les prendre, que je ne les verrai plus jamais... » La famille traverse donc la Méditerranée pour rejoindre un père qui disparaîtra dans la nature quelques semaines plus tard. « Il est peut-être en Italie, ou peut-être au Maroc, je ne sais pas ».
Mais Leïla et ses trois fils sont là, un peu perdus, mais séduits par le pays. « Je n'aurai jamais cru que j'aimerais la France à ce point.
J'ai plus de liens ici qu'au Maroc où j'étais seule, isolée, où j'avais peur. Ici, c'est notre pays. Là-bas, c'est la vie pour les riches, ici, c'est pour tout le monde. Là-bas, je n'avais et je n'étais rien, ici j'existe. » Alors en juillet dernier, Leïla dépose un dossier en préfecture pour obtenir un titre de séjour. Dans cette démarche, elle est aidée par la municipalité et des associations comme le RESF (réseau d'éducation sans-frontière) et le CASPA (collectif d'aide au sans papiers de l'Artois).
Mais en janvier, le couperet tombe : c'est le refus, avec obligation de quitter le territoire dans un mois. Le cauchemar commence pour la jeune femme. « C'est comme sortir un poisson de l'eau. Je n'ai rien au Maroc, rien de bien pour mes enfants, je ne peux pas refaire encore ma vie, j'ai fait mes racines ici. » Un comité de soutien se met en place donc autour d'elle. La mairie lance une pétition qui a déjà recueilli 1 200 signatures et qui continue et continuera de tourner (sur les marchés, en mairie, sur Internet). Des actions sont également prévues.
Une intégration exemplaire
Car selon Sylvie Leclerc, du CASPA, « sa situation est très compliquée car elle n'entre pas dans le cadre des titres autorisés. Mais Leïla est un cas exceptionnel en terme d'implication dans les associations locales, et d'intégration parfaitement réussie pour elle et ses trois enfants ». C'est vrai que, membre des différentes associations de parents d'élèves, mais aussi du Secours populaire et prochainement des Restos du cœur, Leïla se démène. Sans parler de sa recherche d'emploi...
Une avocate a donc décidé de défendre son dossier au tribunal administratif afin d'obtenir un titre de séjour pour la Billysienne. Mais en attendant une réponse à sa demande d'aide juridictionnelle, qui suspendrait la décision d'expulsion du préfet le temps de la procédure, Leïla est susceptible à chaque moment d'être reconduite à la frontière. Elle est « hors la loi ». Une expression qui fait bondir les bénévoles de l'ERSF : « On dirait que c'est une criminelle alors que ce sont les lois que nous jugeons honteuses. Son seul délit c'est de vouloir rester en France ! La chasse aux migrants ne passera pas par nous. » .
Source : La Voix du Nord