vendredi 22 novembre 2024 15:05

Les migrants protestent contre la précarité

Une journée symbolique. C'est en ces termes qu'on peut qualifier la journée sans immigrés organisée lundi dernier par le collectif associatif «24 heures sans nous».

Une journée qui a rassemblé des centaines de personnes à Paris, une centaine à Marseille et plus de 50 personnes à Avignon. Des manifestations similaires ont eu lieu, entre autres, à Athènes, à Madrid, à Rome et à Naples. Ils ont tous répondu présents à l'appel du collectif afin d'attirer l'attention sur la situation, souvent précaire, de la majorité des migrants en Europe. Les manifestants pacifiques se sont regroupés au parvis de l'hôtel à Paris. Jeunes et moins jeunes, étudiants, travailleurs migrants en situation régulière, des sans papiers de différentes couleurs et ethnies… ont tous été réunis pour faire entendre leur voix. Ils brandissaient des banderoles et scandaient des slogans: "Ral-le-bol de l'instrumentalisation politique de l'immigration" ou "La France n'est rien sans les immigrés".

L'objectif escompté, selon les propos des initiateurs, est de susciter une large prise de conscience sociale et politique, et montrer que les immigrés ne sont pas que des adeptes de la fraude et des friands des allocations familiales. Des clichés qui stigmatisent tous les immigrés et les rangent dans le même panier avec d'autres fraudeurs (immigrés ou de souches).
Durant cette journée, les immigrés originaires surtout d'Afrique sub-saharienne, du Maghreb, d'Europe de l'Est et d'Amérique du Sud, ont décidé de ne pas participer à la vie économique et de ne pas consommer.

Venu avec son frère Anwar, Kamal a participé à la manifestation. «J'y étais et j'en suis très fier. Pour une première, c'était très bien. On a partagé des moments inoubliables et on a immortalisé une page de l'histoire de notre terre d'accueil», souligne-t-il. Son frère Anwar ne cache point sa fierté d'être une partie du puzzle de l'action de solidarité. «Les immigrés ne sont pas que des gens qui exercent des métiers précaires (femmes de ménage, éboueurs, agents de sécurité...). Ils sont aussi des cadres, des patrons, des médecins, des ingénieurs», dit-il, en ajoutant : «j'ai pris un congé quelques jours avant la manifestation afin de me joindre à l'action sans problème». En revanche, beaucoup de personnes n'ont pas pu participer à cette journée. Lorsqu'on exerce un travail précaire, il est difficile de courir le risque de se faire licencier. Tel est le cas de Amine qui, employé dans un supermarché parisien, n'a pas pu manifester. « Je gagne modestement ma vie et je vis en collocation avec d'autres maghrébins. Lundi dernier, j'aurais aimé être avec les autres, mais je n'ai pas pu. En revanche, j'ai porté le brassard en signe de solidarité avec l'action». Mon patron, raconte-t-il a apprécié le geste.

«Une journée de travail coûte très cher», fait-il remarquer. Pour Nadia, qui habite elle aussi à Paris, la manifestation est un symbole de solidarité. «J'étais sur place vers 11h45 puisque le rassemblement était prévu de 12 à 14h. J'étais un peu déçue de voir si peu de monde mais j'ai adoré l'arrivée des travailleurs sans papiers». J'ai senti un malaise, dit-elle, lorsque j'ai entendu qu'il ne fallait pas que les sans papiers se mélangent avec nous. «Cela m'a heurtée car ils sont les plus touchés et je considère qu'ils avaient toute leur place au sein de la manif», note Nadia avec un ton désolé. «Je pense que l'action "24 h sans nous" est une bonne initiative. Mais, elle manque de revendications fermes vis à vis des politiques», renchérit-elle. Le choix de la date n'est pas fortuit. Le premier mars fait référence à mars 2005, le jour de l'entrée en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en France. A préciser que ce code institutionnalise une immigration choisie sur des critères économiques, explique les membres du collectif. Les étrangers se voient accusés d'accaparer des emplois et d'être à l'origine de la hausse de la criminalité. A noter que le projet est né suite à la polémique déclenchée en réaction au propos tenus par le ministre de l'Intérieur français Brice Hortefeux, lors du campus d'été des jeunes de l'UMP, à Seignosse en septembre dernier. Sa phrase tristement célèbre lancée à un jeune militant maghrébin a fait la Une des quotidiens : « Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes».

Convention non ratifiée

La Journée Internationale des Migrants est célébrée le 18 décembre. C'est l'occasion, dans le monde entier, de réaffirmer et de promouvoir les droits des migrants. La date a été choisie, il y a quatre ans par l'ONU, pour attirer l'attention sur une convention adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 1990 mais restée inapplicable faute de ratifications suffisantes. Cette Convention pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leur famille, concerne tous les migrants qui vont exercer, exercent et ont exercé un travail pendant tout le processus de migration. Pour tous, avec ou sans papiers, des droits fondamentaux sont réaffirmés en «considérant la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent fréquemment les travailleurs migrants et les membres de leurs familles». La Convention n'est entrée en vigueur que le 1er juillet 2003. A ce jour, 27 Etats l'ont ratifiée, des pays d'émigration, mais aucun des pays les plus industrialisés. La France, ses partenaires européens et la plupart des pays d'immigration de la planète éludent la ratification.

Source : Le Matin

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