Cassoulet, bonbons et même foie gras: le marché du halal, en plein développement, se diversifie pour répondre aux dernières générations issues de l'immigration, qui veulent concilier religion et repas de tradition française.
"Aujourd'hui, avec l'arrivée des grandes marques sur le marché, on passe d'un marché ethnique à un marché de masse", affirme d'emblée Antoine Bonnel, directeur du Salon du halal, qui se tient mardi et mercredi à Paris.
"C'est sous la poussée de la deuxième ou la troisième génération. Mais il ne s'agit pas d'un repli communautaire, c'est plutôt de l'intégration parce qu'ils veulent acheter de la choucroute ou des nems halal", ajoute-t-il.
Le marché a d'ailleurs explosé ces dernières années, sortant le halal --"licite" dans la religion musulmane-- des épiceries et des boucheries spécialisées pour l'installer dans les rayons de la grande distribution, avec des marques comme Fleury Michon, Nestlé ou Casino.
Il est désormais estimé à 5,5 milliards d'euros en 2010, selon une étude du cabinet de conseil Solis, spécialisé dans le "marketing ethnique", contre environ trois milliards il y a cinq ans.
"Cela va dépasser les rayons bio dans les supermarchés!", affirme tout sourire Hakan Cetin, responsable commercial d'Oz pa, spécialiste des confiseries halal, sur son stand rempli de sucettes, biscuits et autres sucreries. Toutes garanties sans gélatine de porc. La demande progresse "énormément", dit-il avec gourmandise.
D'où la prolifération de nouveaux produits, comme le Coca halal, les petits pots pour bébé, la saucisse cocktail de poulet ou les plats cuisinés, du boeuf aux haricots en conserve en passant par la terrine de canard. On trouve même du champagne étiqueté halal... mais sans alcool.
Devant une boîte de saucisses aux lentilles, Ala'a Gafouri, directeur de l'Halal Institute, constate: "C'est une demande. Les deuxième et troisième générations veulent consommer +à la française+, mais tout en étant halal. Ils sont nés ici..."
A l'instar des autres Français, ils vont au fast-food --comme chez Quick, qui a récemment suscité la polémique en ouvrant plusieurs restaurants "halal"--, et prennent peu de temps pour cuisiner. "Il y a aussi de plus en plus de couples mixtes", rappelle M. Bonnel.
Surtout, certains ont un pouvoir d'achat supérieur à leurs parents.
Et c'est bien ce qui attire Frédéric Vionne, des foies gras Volvestre, venu du Sud-Ouest en visiteur sur le salon du halal. "Il existe des gens qui ont de l'argent et il y a une ouverture à la gastronomie française qu'il faut concilier avec la tradition. Le frein, c'est seulement que c'est trop loin de leur culture. Avec le fois gras halal, on fait une partie du chemin", explique-t-il.
Reste que certains contestent le caractère réellement halal de ces nouveaux produits: pour être "licite", un produit ne doit pas contenir de porc et doit venir d'animaux égorgés vivants. Or il n'y aucune norme unique en France et les industriels ont recours à des organismes de certification différents, voire sont "auto-certifiés".
Au total, beaucoup font des compromis. Exemple: le foie gras de M. Vionne, certifié selon lui par la Mosquée de Paris. "Au lieu d'avoir une électrocution forte, elle est limitée. Le canard n'est pas frais, mais il n'est pas mort", avant d'être abattu, explique-t-il.
Mais certains organismes de certification estiment que le gavage des canards est une maltraitance animale, et donc non conforme à l'islam.
Source : L’Express