La politique d'immigration extrêmement restrictive menée par l'Australie a été remise en question mercredi, avec la décision de la Papouasie Nouvelle-Guinée de fermer un camp de rétention sur l'une de ses îles où vivent des centaines de demandeurs d'asile.
La décision de fermer le centre de Manus fait suite à un jugement de la Cour suprême papouasienne déclarant "illégal" et "anticonstitutionnel" le placement par l'Australie de demandeurs d'asile à cet endroit.
L'Australie essuie régulièrement les foudres d'organisations de défense des droits de l'Homme pour sa politique très dure envers les demandeurs d'asile.
Sa marine repousse systématiquement les bateaux de clandestins. Ceux qui parviennent à gagner ses côtes sont placés dans des camps de rétention au large, comme à Manus ou à Nauru, minuscule îlot du Pacifique, ou sur l'île Christmas, dans l'océan Indien, le temps que leur demande d'asile soit instruite.
Même si cette demande est jugée légitime, Canberra ne les autorise pas à s'installer en Australie.
Ajoutant aux pressions sur Canberra, à quelques semaines d'élections législatives anticipées, un réfugié iranien a tenté de s'immoler par le feu lors d'une visite de routine d'une délégation du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) à Nauru.
"En vertu du jugement (de la Cour suprême), la Papouasie Nouvelle-Guinée va demander immédiatement au gouvernement australien de trouver des solutions alternatives pour les demandeurs d'asile actuellement détenus au Centre régional de traitement", nom officiel du camp de Manus, a déclaré le Premier ministre de Papouasie Peter O'Neill dans un communiqué.
Dans sa décision de 34 pages, la Cour avait jugé la détention des demandeurs d'asile "contraire à leur droit constitutionnel à la liberté".
Malgré tout, le ministre australien de l'Immigration Peter Dutton a soutenu qu'aucun des 850 demandeurs d'asile de Manus n'irait en Australie et que Canberra ne modifierait pas sa politique.
L'Australie affirme que celle-ci permet de sauver des vies en dissuadant les candidats à l'immigration d'entreprendre un périlleux voyage.
"Comme je l'ai dit, et conformément à la politique du gouvernement australien, nous allons travailler avec nos partenaires de Papouasie pour faire face aux problèmes soulevés par la décision de la Cour suprême", a-t-il réagi dans un communiqué.
"Le gouvernement n'est pas revenu sur sa position, qui est de dire que les gens qui ont tenté d'entrer illégalement par bateau en Australie et qui se trouvent maintenant à Manus ne seront pas relocalisés en Australie".
Canberra a passé des accords avec le Cambodge et la Papouasie pour y réinstaller les personnes ayant obtenu le statut de réfugié.
D'après les médias australiens, le gouvernement tente aussi de négocier des arrangements similaires avec la Malaisie, l'Indonésie et les Philippines.
M. O'Neill n'a pas fixé de calendrier pour la fermeture du centre.
"Ceux dont le statut de réfugiés légitimes a été reconnu, nous les invitons à vivre en Papouasie Nouvelle-Guinée, seulement s'ils veulent faire partie de notre société et y contribuer", a-t-il déclaré, ajoutant qu'il ne s'attendait pas à ce que des boat-people restent si longtemps à Manus.
Le camp de Manus avait été rouvert en 2012 après cinq ans de fermeture décidée lorsque le gouvernement travailliste avait abandonné la gestion offshore des migrants.
Cette politique avait été lancée en 2001 afin de dissuader les passeurs, un programme conçu par l'ancien gouvernement conservateur de John Howard et baptisé la "solution Pacifique".
A Nauru, un Iranien de 23 ans était dans un état grave après avoir tenté de s'immoler par le feu, selon M. Dutton.
Il sera hospitalisé en Australie, a ajouté le ministre, tout en réaffirmant que les réfugiés se rendant en Australie pour y être soignés n'y resteraient pas.
D'après une association de défense des droits des migrants, quatre autres personnes habitant le camp de Nauru ont tenté de se suicider mardi en avalant de la lessive.
Un demandeur d'asile porte atteinte à son intégrité corporelle tous les deux jours dans les centres au large de l'Australie, selon un rapport de Fairfax Media publié en janvier et qui évoque des cas d'automutilation, de tentatives de pendaison, d'empoisonnement ou d'étouffement des détenus désespérés par leur absence de perspective.
27/04/2016
Source : AFP