samedi 23 novembre 2024 05:35

Allemagne: l'islam, nouvelle cible fétiche de la droite populiste

La crise de l'euro ? Oubliée. L'afflux de réfugiés ? Endigué. La droite populiste allemande de l'AfD, qui se réunit ce week-end en congrès dans le sillage du succès électoral de l'extrême droite en Autriche, entend désormais faire de la critique de l'islam son nouveau moteur électoral.

"Parti protestataire cherche thème protestataire", résume l'hebdomadaire Der Spiegel, décrivant l'actuel paradoxe du mouvement en plein essor: fort d'une percée électorale lors d'élections régionales en mars et atteignant jusqu'à 14% d'intentions de vote dans les sondages, le jeune parti perd avec la fermeture des frontières en Europe sa cible favorite, la politique d'accueil des migrants de la chancelière Angela Merkel.

Or en Allemagne, où le chômage est faible et la confiance envers le gouvernement "plus élevée qu'ailleurs", l'AfD ne peut prospérer "sur un mécontentement généralisé", explique à l'AFP Timo Lochocki, spécialiste des droites populistes au German Marshall Fund de Berlin.

L'Alternative pour l'Allemagne (AfD), créée au printemps 2013 et présente au Parlement européen et désormais dans la moitié des parlements régionaux du pays, entrevoit donc en l'islam une possible locomotive, qui sera au coeur des débats samedi et dimanche à Stuttgart (sud-ouest).

Parmi les motions soumises au vote figure l'interdiction des minarets, "symboles de la domination islamique", des appels du muezzin ainsi que du voile, "signe politico-religieux de la soumission des femmes musulmanes aux hommes".

Ces textes s'ajoutent à une récente salve de déclarations des leaders de l'AfD, jugeant l'islam "incompatible avec la Constitution" ou qualifiant la religion musulmane "d'idéologie politique" et de "plus grande menace pour la démocratie et la liberté".

Avec quatre millions de musulmans en Allemagne, puis l'arrivée l'an dernier d'un million de demandeurs d'asile principalement venus de pays musulmans, la rhétorique anti-islam "peut très bien porter l'AfD" jusqu'aux législatives de 2017, estime la politologue Nele Wissmann.

Pour Timo Lochocki, "tout dépendra" cependant de la réaction des autres partis et des médias, parce que la jeune formation "n'a pas le pouvoir de +faire l'agenda+ en imposant seule ses thèmes favoris".

En surface, la condamnation semble unanime et Angela Merkel martèle depuis plus d'un an que l'islam "appartient à l'Allemagne". Mais les chrétiens-démocrates de la chancelière ont longtemps été divisés sur le sujet et leur parti frère bavarois de la CSU vient de réclamer, lui, une "loi sur l'islam" destinée à endiguer la progression de l'AfD.

Surtout, une vaste étude de la fondation Bertelsmann révélait l'an dernier que 57% des Allemands voyaient en l'islam une "menace" et que 61% l'estimaient "incompatible avec le monde occidental", une défiance "difficile à ignorer", souligne Nele Wissmann.

Reste que la ligne de l'AfD, hormis ses accents islamophobes, est loin d'être limpide: depuis sa création, le parti est tiraillé entre son aile libérale-conservatrice implantée à l'Ouest, avec un électorat plutôt bourgeois, et l'aile nationale-conservatrice de l'Est, plus dure et plus populaire.

Concilier les deux demeure acrobatique, tant la ligne économiquement libérale heurte les sympathisants de l'Est pendant que le flirt avec l'extrême droite déplaît à l'Ouest, où cette étiquette infamante dans un pays toujours traumatisé par le souvenir du nazisme a déjà tué plusieurs formations.
Une question, qui sera votée ce week-end à Stuttgart, illustre ce clivage: faut-il s'allier avec le Front national français au Parlement européen ? L'aile droite y est favorable mais l'aile libérale est plus réticente. Une chose est sûre: le succès retentissant du candidat de l'extrême droite autrichienne, arrivé en tête au premier tour de l'élection présidentielle, donne des ailes à certains caciques du mouvement, qui se prêtent à rêver d'un destin similaire en Allemagne.

Les débats de fond au sein de l'AfD se doublent d'une bataille en sourdine pour la tête du parti: Frauke Petry, numéro un depuis qu'elle a évincé son cofondateur à l'été 2015, apparaît de plus en plus isolée face à la nuée de barons locaux confortés par les percées électorales du parti.

28/04/2016

Source : AFP

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