Passant outre aux appréhensions de certains pays membres, la Commission européenne devrait déclarer mercredi que la Turquiesatisfait aux critères fixés par l'UE pour l'exemption des visas, indiquent plusieurs sources européennes.
Bruxelles honorera ainsi l'une des promesses faites à Ankara lors de la conclusion de l'accord du 18 mars visant à stopper l'afflux de migrants et réfugiés en Europe grâce à l'aide des autorités turques.
L'exécutif européen recommandera aux gouvernements des Etats membres et au Parlement européen d'approuver sa décision d'ici à la fin juin.
"Nous n'avons pas abaissé nos critères, c'est la Turquie qui a élevé le niveau", a assuré un haut responsable européen au fait des négociations.
Il cherchait ainsi à expliquer comment la Commission européenne pourra certifier que la Turquie remplit les 72 critères techniques et légaux fixés par l'UE alors qu'il y a deux semaines à peine, elle disait aux députés européens qu'Ankara ne respectait pas la moitié de ces normes.
Le Parlement turc a promis de voter lundi une série de mesures destinées à satisfaire aux exigences européennes.
Mais la réalité politique est que Bruxelles ne peut pas dire "non" à Ankara sans risque de faire capoter l'accord sur les migrants. Il lui manque sans doute le soutien des Etats membres pour un "oui" mais le gouvernement turc a déjà prévenu qu'il ne se contenterait pas d'un "plus tard" comme réponse.
L'action menée par la Turquie avec la Grèce et l'Otan, associée à la fermeture de la route des Balkans, a quasiment interrompu les arrivées de migrants et réfugiés dans les îles de la mer Egée, où plus d'un million de personnes ont transité l'an passé.
Selon les chiffres égrenés quotidiennement par la Commission, les nouvelles arrivées sur les îles grecques étaient tombées jeudi dernier à 63, contre plus de 10.000 lors du pic de la crise migratoire en octobre dernier.
"PAS DE RISTOURNE"
Reste que plusieurs pays fondateurs de l'Union comme l'Allemagne, la France ou les Pays-Bas, où une partie de l'opinion publique est hostile à cette libéralisation des visas pour les Turcs, soulignent qu'ils examineront au microscope les mesures prises par Ankara.
"Il n'y aura pas de ristourne au nom des réfugiés", insiste Manfred Weber, des conservateurs allemands de l'Union chrétienne-sociale, soeur bavaroise de l'Union chrétienne-démocrate d'Angela Merkel.
"Nous regarderons la tête froide, au Parlement, si la Turquie a bel et bien rempli les conditions", dit-il.
Parmi les critères, Ankara doit notamment garantir un accès sans discrimination au territoire turc à tous les ressortissants des pays membres, ce qui inclut Chypre, pays que la Turquie ne reconnaît pas officiellement.
La Commission européenne a fraîchement accueilli une proposition, formulée cette semaine par Paris et Berlin, d'introduire un mécanisme permettant de suspendre l'exemption de visas pendant six mois pour n'importe quel pays en cas d'afflux soudain de demandes d'asile.
L'ambassadeur de la Turquie auprès de l'UE, Selim Yenel, a en revanche jugé qu'Ankara pourrait s'en accommoder pourvu que son pays ne soit pas stigmatisé.
"Apparemment, la proposition franco-allemande vise à apaiser les craintes de certains pays et cela facilitera peut-être l'adhésion de plusieurs Etats membres", a-t-il dit. "Nous ne sommes pas inquiets par ces propositions même si nous estimons que les garanties actuelles sont suffisantes."
Les responsables européens sont convaincus qu'aucun Etat membre ne s'opposera au final à l'exemption de visas pour les Turcs, rappelant que tous les Etats membres ont signé l'accord controversé du 18 mars sur les migrants.
1er mai 2016, Jean-Stéphane Brosse pour le service français
Source : Reuters