samedi 23 novembre 2024 05:32

Asie : un an après la crise des migrants, des milliers de réfugiés désespérés

Un an après la crise des migrants en Asie du Sud-Est, qui a vu des milliers de Rohingyas et de Bangladais affluer dans des embarcations de fortune ou à la nage sur les rives de cette région, des milliers de réfugiés restent désespérés.

Sonamia était parmi quelque 400 migrants affamés secourus en Indonésie sur un bateau vert surchargé, devenu emblématique de cette crise, avec des passagers émaciés appelant à l'aide. Ils s'étaient retrouvés dans une impasse après avoir été rejetés par plusieurs pays de la région, une situation qui a provoqué des réactions indignées dans le monde.

Sous pression, l'Indonésie et la Malaisie avaient finalement autorisé des embarcations de Rohingyas à accoster dans l'attente de la réinstallation des migrants de cette minorité musulmane persécutée en Birmanie, pays à majorité bouddhiste.

Mais depuis, aucun réfugié n'a été réinstallé. Des centaines sont toujours confinés dans des centres de détention, et certains ont à nouveau risqué leur vie en reprenant la mer aux mains de passeurs.

"J'ai appris à attendre", raconte à l'AFP Sonamia, dans un refuge temporaire à Bayeun, village de la province d'Aceh, à la pointe nord de l'île de Sumatra.

Cet homme de 42 ans reste tourmenté par les cauchemars de ce que certains ont appelé une épouvantable partie de "ping-pong", des bateaux de migrants étant rejetés d'un pays à l'autre, alors que leurs occupants étaient à court de boissons et de vivres.

"Je suis bouleversé à chaque fois que je me rappelle de ça, car on avait l'impression qu'on n'était pas des humains", dit-il.

Environ un millier de Rohingyas fuyant les persécutions en Birmanie avaient été accueillis sur les rives d'Aceh, mais seulement 300 sont restés. Les autres ont repris la mer pour aller en Malaisie, où leur sort est incertain car ils sont clandestins.

Dans ce pays, 371 Rohingyas accueillis en pleine crise des migrants sont toujours confinés dans un centre d'immigration, selon les autorités locales.

Les Etats-Unis ont accepté d'en accueillir 52, mais les perspective de réinstallation pour tous les autres restent floues, selon l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR).

Plusieurs centaines de Bangladais qui étaient aussi parmi les réfugiés, mais dont la plupart étaient considérés comme des migrants économiques, devraient être renvoyés dans leur pays.

Cette crise avait débuté après la découverte début mai 2015 en Thaïlande de nombreux cadavres de migrants morts dans des camps de transit. Bangkok avait ensuite lancé une opération de police contre les réseaux de passeurs qui, dans la foulée, ont abandonné en pleine mer des bateaux remplis de migrants, obligeant plusieurs milliers d'entre eux à être secourus ou à rejoindre la rive à la nage.

L'Indonésie et la Malaisie n'ont pas signé la convention de l'ONU sur les réfugiés, ce qui complique le processus de réinstallation déjà difficile, d'autant plus que la crise des migrants en Europe accable des pays qui en temps normal accueillent des réfugiés, observe l'UNHCR.

"Quand vous voyez le nombre de Syriens et d'autres arrivant par bateau en Europe, et la crise à laquelle font face les pays européens, la réinstallation à l'extérieur de cette région doit être examinée dans ce contexte -- et c'est très, très difficile maintenant", explique à l'AFP Thomas Vargas, représentant de l'UNHCR en Indonésie.

Un an après, les Rohingyas sont toujours bloqués à Aceh, dans des refuges temporaires construits dans la province par l'Organisation internationale des migrations (OIM), où ils vivent pour l'essentiel de dons de nourriture et fournitures.

Certains se sont mariés, des bébés sont nés, d'autres cultivent des potagers, se forment à la mécanique automobile ou apprennent à coudre. Mais ils ne peuvent pas avoir d'emploi légal, ce qui rend impossible une existence normale.

"Ici, on ne fait que manger, dormir et prier", raconte Abdul Rasyid, 25 ans, l'un des quelques survivants du bateau vert, qui sont toujours à Aceh.

"Nous n'avons pas le droit de travailler ici, alors que j'ai pourtant besoin d'argent pour envoyer à ma famille en Birmanie", se plaint-il.

Depuis la crise et les opérations lancées contre les réseaux de passeurs, le nombre de migrants a considérablement diminué, observe un représentant de l'UNHCR en Malaisie, Richard Towle.

Mais "les passeurs et trafiquants ont une énorme capacité d'adaptation", prévient M. Towle, appelant les gouvernements à rester vigilants.

03/05/2016

Source : AFP

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