Au-delà de l’image quelque peu mythique de la Suisse en tant que terre d’accueil et d’asile, les réfugiés foulant le sol helvétique verront désormais s’amenuiser les chances d’aboutissement de leur demande d'installation dans le pays.
Et pour cause, les migrants arrivant en Suisse sont en effet obligés de remettre aux autorités leurs biens d'une valeur supérieure à 1000 francs (915 euros) afin de financer les coûts de leur accueil sous peine d’être renvoyés. A la fois dissuasif et intrusif, le projet rappelle amèrement la confiscation systématique au Danemark des effets de valeur des réfugiés à leur arrivée, en arguant que les migrants qui prenaient le chemin de l'exil étaient les mieux lotis, les plus pauvres n'ayant pas les moyens de payer un passeur.
Ce tour de vis des autorités suisses se profilait à l’horizon au regard des flux incessants des demandeurs d’asile, mais aussi à un moment marqué par la percée des partis populistes anti-immigration et anti-UE. Depuis que Vienne s'est désolidarisée de Berlin en début d’année, pour se ranger du côté des pays de la route des Balkans pour bloquer les arrivées de migrants, le pays helvétique s’est empressé de réformer sa législation sur l’asile pour officiellement "affiner les procédures". D’ailleurs, la nette poussée de l'extrême droite en Allemagne et bien au-delà, viscéralement hostile à toute ouverture sur les questions migratoires, risque d'inciter fortement les réfugiés à préférer frapper aux portes de son petit voisin.
"Nous pouvons constater l’effritement progressif et le caractère contingent de ce mythe qui présente la Suisse comme une terre d’accueil", estime l’experte Lorena Parini, professeure à l’université de Genève. Preuve en est que la question de l’asile demeure source de crispation socio-politique, a-t-elle expliqué, relevant que le droit d’asile sera une nouvelle fois au cœur d’un vote populaire en juin prochain. Mais cette fois, c’est la droite conservatrice qui combat le projet de réforme porté par une gauche minoritaire, à un moment où le système de l’asile est mis à rude épreuve dans toute l’Europe par les flux migratoires historiques en provenance du Moyen-Orient.
Auprès du secrétariat aux migrations, on affirme que la mesure exigeant une contribution des réfugiés aux coûts de leurs demandes d'asile et aux frais d'assistance sociale est plus "un investissement dans l’avenir qu’une simple participation aux frais". "Si une personne s'en va de son plein gré dans un délai de sept mois, elle pourra récupérer son argent et l'emporter avec elle. Dans le cas contraire, l'argent couvrira les frais engagés", explique un porte-parole de ce département. En tout cas, les réfugiés qui obtiennent le droit de résidence seront dans l’obligation de verser 10 pc de leurs revenus pendant une période de dix années jusqu'à concurrence de 15.000 francs suisses de frais.
Si l’an dernier plus de 1,4 million de personnes ont demandé l’asile dans les pays européens, soit plus du double par rapport à 2014, la Suisse a recensé 40.000 nouveaux requérants, en hausse de 66,3 pc par rapport à l’année d’avant. Pis encore, les autorités s’attendent à une forte progression des demandes d’asile pouvant atteindre les 70.000 au cours de 2016.
Le pays helvétique figure néanmoins encore au septième rang parmi les pays comptant le plus de demandeurs d’asile par rapport à la population. En 2015, 4,9 demandes pour 1000 habitants ont été déposées, alors que la moyenne européenne s’établissait à 2,9 pour 1000.
11 mai 2016,Abdellah CHAHBOUN.
Source : MAP