samedi 23 novembre 2024 05:35

Michel Temer : un homme d'appareil à la tête du Brésil

Alors que le Liban est sans président depuis deux ans, le Brésil vient de porter un fils d'immigrés libanais aux commandes. À 75 ans, Michel Temer, vice-président du Brésil depuis 2011, a succédé jeudi à Dilma Rousseff, écartée par une procédure de destitution parlementaire.

Le nouveau président occupe son fauteuil par intérim pour 180 jours. Si la destitution est confirmée par les 2/3 du Sénat pendant cette période, il restera à la tête de l'Etat théoriquement jusqu'en 2018, car de nouvelles élections ne sont pas prévues par la Constitution. Il pourrait lui aussi être contraint à la démission pour des accusations soit de corruption, soit de financement illicite de campagne électorale.

Une chance pour Michel Temer, dont le programme annoncé hérisse la majorité des Brésiliens, et qui n'aurait que peu de chances de passer l'épreuve des urnes. Proche des milieux d'affaires, qui ont salué son arrivée aux commandes, il se fait fort de revenir sur l'héritage social de la gauche.

Un parlementaire roué

Discret et peu charismatique, Michel Temer n'est pas un inconnu de la politique brésilienne pour autant. Bien au contraire. Juriste de formation, ancien procureur de l'État de Sao Paulo, il a commencé une carrière à la Chambre des députés à partir de 1987, et a été élu président de l'institution à plusieurs reprises.

Chrétien maronite, il s'affiche avec le pape François. Il a été marié trois fois et son épouse actuelle, Marcela Tedeschi, de 42 ans sa cadette, n'a pas laissé les médias indifférents.

Surtout, depuis 2001, Michel Temer règne sans partage sur le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB). Issu du Mouvement démocratique du Brésil, un des deux mouvements politiques tolérés sous la dictature militaire, il est le plus grand parti brésilien. Il a appartenu à toutes les coalitions gouvernementales depuis des décénies.

Qualifié de «centriste», le PMDB n'a pas de ligne idéologique claire, sinon le libéralisme économique. Il tolère en son sein presque toutes les sensibilités, allant de la gauche jusqu'à la droite conservatrice. En pratique, le PMDB est un formidable outil de conquête de postes, pour ceux qui ne se rattachent ni à la tradition syndicaliste du Parti des travailleurs, ni à la mouvance conservatrice du Parti de la social-démocratie brésilienne.

Fort de sa position, Michel Temer a monnayé son soutien à Dilma Rousseff lors de l'élection présidentielle de 2010, pour devenir son vice-président. Six ans plus tard, il est pourtant celui qui a planifié la destitution de la présidente. Négociant avec les députés et aidé par Eduardo Cunha, dignitaire du PMDB et président de la Chambre aujourd'hui suspendu pour corruption dans l'affaire Petrobras, il n'a pas eu de mal à trouver une majorité suffisante pour pousser Dilma Rousseff vers la sortie.

Un fils du Liban

Né au Brésil, il est le fils d'un couple d'immigrés libanais, de confession chrétienne maronite, venu s'installer dans un pays plein de promesses. Un destin très courant: les Brésiliens d'origine libanaise sont estimés entre 6 et 7 millions de personnes, sur une population de 200 millions d'habitants.

Les Libanais ont commencé à s'installer au Brésil dès la fin du XIXe siècle. Le génocide des Arméniens de 1915 et la guerre civile (1975-1990) ont hâté cette immigration, concentrée à Rio de Janeiro et Sao Paulo. La communauté libanaise constitue une élite influente dans le pays, qui est une destination obligée du patriarche maronite, lors de ses visites à sa diaspora de fidèles.

Parce qu'il s'est opposé aux sanctions occidentales contre l'Iran et qu'il reconnaît l'État palestinien, le Brésil jouit d'une image favorable dans les opinions arabes.

Pour l'heure, la nomination de Michel Temer a suscité des scènes de joie au Liban, surtout à Btaaboura, village chrétien du nord, où la mère du président brésilien est née. Ce dernier s'y était rendu deux fois, en 1997 et en 2011. «Nous sommes très fiers de lui», a déclaré le maire, Bassam Barbar, à l'Agence France-Presse.

13/05/2016, Pierre Jova

Source : Le Figaro

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