Début mai, Hodan, une réfugiée somalienne de 21 ans qui avait déposé sa demande d’asile en Australie s’est immolée par le feu sur l’île de Nauru où elle était détenue comme tant d’autres réfugiés, à des milliers de kilomètres des côtes australiennes. La jeune femme souffre de blessures graves et elle est actuellement soignée dans un hôpital de l’île.
Cet évènement dramatique est survenu seulement quelques jours après l’immolation mortelle, dans le même centre, de Omid Masoumali, un requérant iranien de 23 ans, qui est finalement décédé de ses blessures. Comme Hodan, Omid avait des motifs sérieux d’asile. Il était détenu dans ce camp depuis trois ans, sans espoir de sortie.
Un autre drame a aussi eu lieu dans un autre centre de détention sur une autre île, celle de Christmas Island. En novembre 2015, Fazel Chegeni, un autre réfugié iranien, a été retrouvé mort au pied d’une falaise, après son évasion du centre.
A la veille des élections fédérales de juillet 2016, ces évènements tragiques placent la politique d’asile australienne sous les feux des projecteurs.
Des camps de réfugiés inaccessibles
A des milliers de kilomètres des côtes australiennes, Nauru, Manus et Christmas sont trois îles qui hébergent des camps de réfugiés fermés destinés aux personnes arrivant par bateau.
Cette procédure s’inspire de la « Solution du Pacifique » pratiquée par les autorités australiennes entre 2001 et 2007, qui consiste à détenir les requérants d’asile arrivant par voie maritime dans des centre fermés à l’étranger. Nauru est une république indépendante et Manus est en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Les deux partis dominants, la coalition libérale-nationale au pouvoir et l’opposition travailliste, convergent sur cette politique car ils estiment qu’elle empêche un afflux massif. Restaurée en août 2012, la Solution du Pacifique a été renforcée par l’assistance de la marine australienne chargée de la surveillance des côtes et du transfert des requérants d’asile vers les îles lointaines.
L’immigration est au cœur du débat politique
Comme dans beaucoup de pays européens, l’immigration est au cœur du débat politique et les déclarations incohérentes à l’égard des migrants font la une des journaux. Récemment, le gouvernement australien s’est félicité du résultat positif de sa politique très coûteuse et dissuasive et il a rejeté toutes les accusations à son égard en promettant d’accueillir 12’000 réfugiés syriens dans le cadre du programme de réinstallation du HCR.
Samedi dernier, le ministre de l’immigration australien Peter Dutton déclarait que les réfugiés menaçaient les emplois des australiens tout en regrettant qu’ils soient pour la plupart analphabètes et dépendant de l’assistance sociale. Il a été soutenu dans ses propos par le Premier ministre Malcolm Turnbull. Comme souvent, ces déclarations sont infondées et soulèvent l’indignation.
L’Australie n’est de loin pas victime d’un afflux massif de demandeurs d’asile. En 2014, seulement 8’960 personnes ont déposé une demande d’asile, 2’000 de moins que l’année précédente.
L’immolation par le feu, la seule solution ?
La stratégie dure du gouvernement australien qui a pour but de dissuader les passeurs et les « boat people » en provenance du Sri Lanka et d’Indonésie, a subi des critiques importantes en Australie et au niveau international notamment lors du Conseil des droits de l’homme réuni à Genève en novembre 2015.
Selon le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), les 2’000 requérants d’asile et réfugiés qui sont enfermés à Manus et Nauru vivent dans des conditions de détention inacceptables et souffrent psychiquement et physiquement.
La Cour suprême de Papouasie-Nouvelle-Guinée a récemment livré un jugement en faveur de la fermeture immédiate du centre australien de détention de migrants sur l’île de Manus. La Cour a jugé ce centre indigne et contraire à la Constitution du pays. Les 900 détenus devront être transféré rapidement mais le lieu du transfert pose problème car le gouvernement australien refuse leur entrée sur le territoire. Plusieurs réfugiés viennent d’être déplacés à Lae, la deuxième plus grande ville du pays où les conditions d’accueils sont déjà qualifiées de déplorables.
Depuis quelques mois, l’opposition aux centres de détention « off-shore » se renforce car une partie croissante de la population désapprouve franchement la politique du gouvernement. En mars 2016, un large mouvement de solidarité s’est mobilisé pour empêcher le transfert des requérants d’asile soignés en Australie vers les « îles-prison ».
Si la résistance a gagné les centres de détention où des détenus se sont mobilisés et ont manifesté, leur avis compte peu. Ils n’ont bien sûr pas le droit de vote et vivent très loin des australiens. Pour l’instant, l’unique moyen pour faire parler d’eux reste l’immolation par le feu, un acte violent, désespéré et politique.
24 mai 2016, Jasmine Caye
Source : letemps.ch