La Turquie tournera le dos au pacte sur les migrants avec l'Union européenne si ses ressortissants ne sont pas exemptés de visas pour se rendre dans l'espace Schengen, a mis en garde le chef de la diplomatie turque.
Alors que le bras de fer se tend entre Ankara et Bruxelles, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, a redit qu'il était "impossible" pour son pays d'assouplir sa législation antiterroriste, l'une des 72 conditions demandées par l'UE.
"Nous leur avons dit: +Nous ne vous menaçons pas+. Mais il y a une réalité. Nous avons conclu deux accords et les deux sont liés l'un à l'autre", a déclaré M. Cavusoglu à un petit groupe de journalistes, dont l'AFP, à Antalya (sud).
Si nécessaire, a poursuivi M. Cavusoglu, Ankara pourrait prendre des mesures "administratives" pour bloquer l'accord sur les migrants. La semaine dernière, le président Recep Tayyip Erdogan avait prévenu qu'aucune loi relative à l'accord "ne sortira du Parlement" turc si aucun résultat n'était obtenu sur les visas.
La Turquie a fait de l'accord sur une libéralisation dès fin juin du régime d'accès des Turcs à l'espace Schengen une condition indispensable pour continuer d'appliquer le pacte plus large sur les migrants qui a permis de réduire le flux des passages clandestins vers l'Europe.
Mais une exemption de visas avant la date limite semble incertaine depuis que M. Erdogan s'est opposé à un resserrement de la définition légale du "terrorisme", dont l'acception actuelle est jugée trop large par Bruxelles et est utilisée pour poursuivre des universitaires et journalistes pour "propagande terroriste".
"De quelle définition parlez-vous ? En Europe, chaque pays a une définition différente du terrorisme", a répondu M. Cavusoglu, évoquant la mise en place de mesures strictes en France après les attentats de janvier et novembre 2015.
La Turquie, a rappelé le chef de la diplomatie turque, lutte actuellement contre plusieurs groupes classés terroristes, dont l'organisation Etat islamique (EI) et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
"Dans ces conditions, il est impossible de modifier les lois relatives au terrorisme", a-t-il souligné.
La semaine dernière, la chancelière allemande Angela Merkel avait réaffirmé la nécessité de remplir tous les critères avant une exemption, estimant que "les conditions ne seront pas encore remplies" à cette échéance.
Malgré les tensions, les négociations vont se poursuivre dans les semaines à venir, selon M. Cavusoglu. Des consultations au niveau des experts vont avoir lieu cette semaine, avant, peut-être, un sommet réunissant M. Erdogan, Mme Merkel et de hauts responsables européens, a-t-il dit.
"Nous allons finaliser l'accord et faire en sorte qu'il soit prêt avant la réunion du Conseil européen des 7-8 juillet. Nous sommes déterminés", a affirmé M. Cavusoglu.
Ce dernier a également souligné l'efficacité, selon lui, de l'accord sur les migrants, conclu le 18 mars, qui a permis de réduire drastiquement le nombre de personnes qui entrent clandestinement en Grèce.
"En octobre, le nombre de migrants traversant (la mer Egée) pour les îles grecques était d'environ 6.800. Aujourd'hui, nous sommes à environ 30 par jour", a-t-il dit.
Depuis le 20 mars, plus de 400 personnes ont été renvoyées en Turquie de Grèce dans le cadre de cet accord, selon le ministre, et 130 demandeurs d'asile syriens vivant dans des camps de réfugiés turcs ont été réinstallés dans des pays européens.
"Nous avons tenu notre promesse", a insisté M. Cavusoglu.
La démission soudaine de l'ex-Premier ministre Ahmet Davutoglu, un partenaire jugé fiable par Bruxelles, a déstabilisé les Européens. M. Davutoglu a été remplacé par Binali Yildirim, compagnon de route de M. Erdogan, lequel multiplie les déclarations au vitriol à l'endroit de l'UE.
30/05/2016
Source : AFP