La Commission européenne a fait miroiter mardi des investissements massifs aux pays africains "coopératifs" pour freiner l'afflux de migrants par la Méditerranée, où plus de 10.000 hommes, femmes et enfants ont perdu la vie depuis 2014 selon l'Onu.
"Nous proposons de nouveaux partenariats, en commençant avec un premier groupe de pays", a expliqué son vice-président Frans Timmermans devant le Parlement européen, citant l'Ethiopie, le Niger, le Nigeria, le Mali, le Sénégal, mais aussi la Jordanie et le Liban.
Depuis que l'immense afflux de migrants venant de la Turquie s'est tari, grâce au fragile accord entre l'UE et Ankara conclu en mars, la route maritime depuis l'Afrique est redevenue la principale porte d'entrée clandestine en Europe, toujours aussi périlleuse.
Le seuil des 10.000 migrants morts en Méditerranée en tentant de rejoindre l'Europe a été dépassé "au cours des derniers jours", a expliqué mardi un porte-parole du Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).
Depuis le début de l'année 2016, 2.814 décès ont été comptabilisés par le HCR. Ce bilan depuis janvier dépasse déjà "de presque 1.000 personnes le bilan du 1er semestre 2015", a souligné de son côté l'OIM (Organisation internationale pour les Migrations).
Pour que les pays d'origine acceptent d'endiguer l'afflux de candidats à la traversée, le plan de la Commission est "un mix d'incitations positives et négatives", a exposé M. Timmermans, faisant planer la menace de "conséquences pour ceux refusant de coopérer", sur le plan commercial.
A court terme, il propose de diriger 8 milliards d'euros d'ici 2020, en provenance de fonds déjà en place pour l'aide au développement, vers les pays-clés identifiés.
A plus long terme, l'exécutif européen affiche l'ambition de mobiliser "jusqu'à 62 milliards d'euros de fonds publics et privés dans l'économie réelle".
Pour ce faire, il propose de mettre sur la table 3,1 milliards d'euros, lesquels doivent "attirer des investissements publics et privés d'un montant total pouvant atteindre 31 milliards", selon modèle du "plan Juncker" d'investissements dans l'UE.
Ce dernier montant pourrait même doubler "si les États membres et d'autres partenaires apportent une contribution équivalente à celle de l'UE", espère la Commission.
Les détails du plan, qui devra encore être approuvé par les Etats membres, seront exposés à l'automne.
Ces fonds ciblés visent à s'attaquer aux "causes profondes" des migrations, en donnant aux Africains des perspectives d'avenir chez eux, via le financement de projets concrets.
Il s'agit aussi d'obtenir des pays africains, comme cela a été fait avec la Turquie, qu'ils luttent davantage contre les passeurs et acceptent beaucoup plus de "réadmissions" de leurs ressortissants.
Moins de 40% des migrants irréguliers ayant reçu dans l'UE l'injonction de retourner dans leur pays le font effectivement, selon des chiffres datant de 2014, en partie en raison d'un manque de coopération et de moyens des pays d'origine.
L'ambition de ce nouveau plan était déjà au coeur du sommet de La Valette, qui avait réuni en novembre à Malte des dirigeants des deux continents. La Commission avait alors mis sur la table un fonds de 1,8 milliard d'euros (auquel elle a décidé mardi d'ajouter 500 millions), que les Etats membres étaient censés doubler.
Mais depuis novembre, ces derniers n'ont promis qu'environ 80 millions d'euros de contributions, alors que la route maritime depuis l'Afrique est redevenue ces dernières semaines la principale inquiétude des Européens.
Le mois d'avril dernier a ainsi marqué un tournant avec, pour la première fois depuis juin 2015, davantage de migrants arrivés par la mer en Italie qu'en Grèce.
Contrairement aux migrants passant par la Turquie --des Syriens fuyant la guerre pour la plupart--, les près de 50.000 migrants arrivés en Italie entre janvier et fin mai relèvent pour la plupart aux yeux des Européens du statut de migrants économiques irréguliers.
Pour ne pas donner l'image d'une Europe forteresse, la Commission a également proposé mardi une réforme du système européen de migration, avec l'espoir d'attirer davantage une main d'oeuvre légale "hautement qualifiée", via son système dit de "carte bleue".
Le système légal actuel, très restrictif et trop complexe, est pour l'heure un échec. Seulement "31% des migrants vers des pays de l'OCDE ayant un haut niveau d'études choisissent l'UE comme destination", a souligné l'exécutif européen.
Toutes ces propositions préparent le terrain avant un sommet des Etats membres de l'UE prévu les 28 et 29 juin à Bruxelles, lors duquel sont attendues de nouvelles décisions face à la crise migratoire.
09/06/2016
Source : AFP