Bonus au troisième bébé, prime au retour des expatriés, aides à la propriété, le gouvernement hongrois fait feu de tout bois pour redresser une démographie en berne qui handicape l'économie du pays.
Le gouvernement ultra-conservateur de Viktor Orban serait même prêt à briser un ultime tabou: le recours à l'immigration.
Selon le ministre de l'Economie Mihaly Varga, l'exécutif travaille à une "réglementation" qui permettrait de faire venir des travailleurs originaires de pays hors-Union Européenne, a-t-il dit la semaine dernière sans détailler le contenu de ce plan.
Un recours à l'immigration choisie que réclame le patronat hongrois: "au moins un quart des entreprises manquent de main d'oeuvre. Le train de l'économie hongroise ne peut démarrer, car il n'a pas de roues", s'est lamentée récemment l'association hongroise des employeurs et industriels (MGYOSZ).
La Hongrie pourrait se tourner vers des salariés "qui peuvent être intégrés culturellement", plaident les patrons citant l'exemple de la Pologne "où travaillent un million d'Ukrainiens".
Dans le même temps, Budapest met en chantier l'organisation d'un référendum, le 2 octobre, contre la répartition des réfugiés dans l'UE décidée par les vingt-huit Etats membres et combattue par Orban.
La Hongrie est confrontée à une double carence démographique: un taux de fécondité parmi les plus bas d'Europe et une émigration de la population parmi les plus fortes du continent.
A Gyömrö, près de Budapest, la famille Stern fait ses adieux. Mark 38 ans, travaillait dans un centre d'appel, Rita, 32 ans, était institutrice. Avec Marci, 2 ans, ils partent s'installer en Irlande.
"Nous quittons la Hongrie à causes des incertitudes politiques et du mauvais système d'éducation", justifie le couple, qui cherche aussi davantage de "reconnaissance pour le travail, l'assiduité".
Ils compteront parmi les 400.000 Hongrois, au bas mot, qui ont quitté le pays depuis 2008. Le pays, passé sous la barre symbolique des dix millions d'habitants, a perdu 850.000 habitants en 35 ans.
"La population d'âge très actif (...) devrait être l'une des plus faibles d'Europe dans les prochaines décennies (...)", s'inquiète l'OCDE dans son dernier rapport sur le pays.
Arrivé au pouvoir en 2010, reconduit en 2014, Viktor Orban, père de cinq enfants, a fait de la politique familiale une priorité.
En 2017, ce poste représentera 4% du PIB contre 2,4% en moyenne dans l'OCDE, a vanté la ministre en charge de la famille et de la jeunesse Katalin Novak, lors de la présentation du budget qui reconduit de généreux allègements fiscaux liés au nombre d'enfants ou la possibilité de cumuler salaire et allocation de congés maternité.
Dernier instrument en date, lancé mi-2015 et élargi il y a quelques mois: les couples s'engageant à avoir trois enfants dans les dix prochaines années et les foyers en ayant déjà trois peuvent bénéficier de 10 millions de forints (31.700 euros) d'aide financière pour l'achat d'un logement neuf, ainsi que de 10 millions de forints de crédits à taux réduit.
Plus de 12.500 personnes ont souscrit à ce programme qui, selon les économistes, a contribué à une hausse des prix de l'immobilier de 10 à 30%.
Le dispositif pour faire revenir les jeunes Hongrois partis à l'étranger a en revanche fait long feu: seuls 105 jeunes gens ont choisi depuis juin 2015 d'intégrer ce programme assorti d'un coup de pouce financier de 3.000 euros.
"Le gouvernement ferait mieux de simplifier la vie des familles qui veulent rentrer et doivent affronter un casse-tête administratif", estime Balazs Kapitany, directeur de l'institut démographique national, citant les examens imposés pour intégrer le système éducatif hongrois ou la nécessité d'un carnet de vaccination "hongrois" pour chaque enfant.
A moyen terme, estime-t-il, il sera difficile de faire augmenter la population en raison d'une structure par âge défavorable: "les enfants du baby-boom hongrois de 1970/75 n'auront bientôt plus l'âge de procréer et les générations suivantes sont trop peu nombreuses".
Le Premier ministre Viktor Orban s'est prévalu récemment d'une légère hausse du taux de natalité en 2015 comparé à 2014.
En février, il jugeait le redressement de la natalité incontournable car "une nation qui fait reposer sa survie sur l'immigration ne résistera pas. Les migrants, au bout du compte, s'approprieront le pays".
13/07/2016
Source : AFP