La tuerie de Nice a durci le débat politique en France à l'approche de primaires avant la présidentielle, avec une surenchère de critiques à droite et l'extrême droite face à un exécutif socialiste sur la sellette.
Les deux précédents attentats de masse en France, en janvier et novembre 2015 (147 morts au total), avaient soudé, au moins un temps, la classe politique autour du principe d'union nationale. Hommages aux victimes, célébration des valeurs de la République, positions mesurées... Chaque camp avait semblé jouer le jeu.
Mais à peine l'attentat commis à Nice le 14 juillet, jour de fête nationale en France, la droite et l'extrême droite se sont livrés à une surenchère de critiques, chacun pour des raisons différentes: le parti Les Républicains (LR) de l'ex-président Nicolas Sarkozy est en proie à une vive lutte interne avant sa primaire de novembre tandis que le Front national de Marine Le Pen devrait tirer profit dans les urnes de cette nouvelle attaque.
Dans ce climat politique délétère, les déclarations à l'emporte-pièce se succèdent. Signe de la tension qui infuse dans l'opinion publique : le Premier ministre Manuel Valls a été hué à son arrivée et à son départ lundi à Nice pour la minute de silence observée, comme partout en France, au dernier jour d'un deuil national décrété depuis samedi.
Des appels à sa démission ont été criés dans la foule.
L'ancien Premier ministre Alain Juppé et candidat à la primaire de droite a appelé à "passer à la vitesse supérieure contre le terrorisme", sans fournir de pistes précises. "Ca sera eux ou nous", a renchéri son principal rival, Nicolas Sarkozy, en parlant de la nécessité de mener une "guerre totale" contre les "ennemis" de la France.
Loin d'être en reste, le Front national, qui engrange les succès électoraux depuis plusieurs années et qui est donné en tête du premier tour en avril de la prochaine présidentielle, a dénoncé "les carences gravissimes de l'Etat" dans la protection des Français. Il a appelé à la démission du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, idée écartée lundi par ce dernier.
Surfant sur le populisme et la xénophobie, le secrétaire général du Front national, Nicolas Bay, a souligné que "tous les terroristes" qui ont frappé la France depuis dix-huit mois étaient "issus de l'immigration".
"Il n'y a pas eu de respect par un certain nombre d'acteurs de la classe politique de la période de deuil", s'est insurgé en retour Bernard Cazeneuve, en réclamant une France "unie et rassemblée".
Il a aussi accusé Marine Le Pen de tendre "la main à la division" en faisant le jeu du groupe Etat islamique, qui "espère à travers les attentats qu'il commet créer des blessures et des fractures irréparables dans la société française".
Seulement 33% des Français affirment faire confiance à l'exécutif pour lutter contre le terrorisme, selon un sondage de l'Institut Ifop publié lundi par le quotidien conservateur Le Figaro.
Face à la pluie de critiques, le gouvernement réclame de la "résilience" et de la "dignité", rappelant sans nouvelle annonce sécuritaire d'ampleur les mesures déjà prises: 10.000 militaires déployés sur le sol national, trois nouvelles lois adoptées, l'état d'urgence qui va être renouvelé pour trois mois supplémentaires.
Le président socialiste François Hollande, qui avait en 2015 bénéficié d'un bref sursaut de popularité après les deux premières séries d'attentats a de son côté peu communiqué : il s'est limité à une intervention télévisée dans la nuit de jeudi et à une visite au chevet des blessés à Nice vendredi.
Pour le politologue Frédéric Dabi, cité lundi par Le Figaro : "il y a une colère dans le pays, avec un sentiment que l'exécutif n'est pas à la hauteur et que ce président autoproclamé protecteur est en réalité incapable de protéger". Selon lui, si "son humanité, sa rapidité, son autorité avaient été saluées en janvier et en novembre", "il ne lui reste plus de cartes".
18/07/2016
Source : AFP