À Nice, le choc a vite laissé place à la colère, parfois mal-dirigée. Dans la région, déjà marquée à droite et même extrême-droite, le vote FN est brandi comme une menace moins d’un an avant les élections présidentielles qui se tiendront en 2017. Déjà, on envisage Marine Le Pen comme unique solution au « problème ».
Loin de s’en plaindre, la présidente du Front National se précipite sur l’occasion et enfonce un peu plus un président Hollande déjà au bord de la noyade. Une semaine après l’attaque qui a fait 84 morts, les politiques français sont plus désunis que jamais et on observe une recrudescence des discours populiste et alarmiste.
Il y a d’abord Henri Guaino, député de droite, qui propose d’armer les militaires de lance-roquettes puis Jacques Myard, également membre des Républicains, qui s’en prend directement aux musulmans en proposant l’interdiction totale du voile en France.
Plus grave encore, certains hommes politiques attaquent directement la population issue de l’immigration. Au FN, le secrétaire général affirme que « tous les terroristes » sont « issus de l’immigration ». Nicolas Bay remet ainsi en cause la présence sur le sol français de l’auteur de l’attentat, un Tunisien disposant d’une carte de séjour.
Lundi 18 juillet, c’est Céline Pina, auteure et ancienne élue, qui faisait l’amalgame entre salafisme et islamisme. « Des gens disent : ‘au moins en France, on peut vivre notre intégrisme comme on le veut alors que si on était en Algérie ou en Tunisie, ce serait plus compliqué’ », explique cette dernière au micro de la radio RMC.
Lundi encore, ce sont des passants qui ont pris à partie une jeune femme peu de temps après la minute de silence durant l’hommage rendu aux victimes à Nice. Dans une vidéo publiée par un internaute, on voit plusieurs personnes lui demander de retourner d’où elle vient. Une altercation qui nécessitera l’intervention des forces de police.
Pourtant, une « trentaine des victimes » de l’attentat sont de confession musulmane, a rappelé l’imam de la principale mosquée de Nice. Mais peu importe, les appels à la cohésion trouvent aujourd’hui un écho limité. Le 18 juillet, jour de l’hommage, le hashtag « Islam hors d’Europe » figurait parmi les tendances sur le réseau social Twitter. La phrase a finalement été utilisée et alimentée par des internautes dénonçant les personnes qui font l’amalgame entre religion et terrorisme.
Des actes isolés ?
« La communauté musulmane est prise en otage », expliquait aux médias français, Boubekeur Bekri, vice-président du Conseil régional du culte musulman. Dans la nuit de mardi à mercredi, une mosquée de Bron, ville située en banlieue lyonnaise, a été taguée. L’inscription « Dehors ou la mort » a été inscrite sur « le muret clôturant » l’édifice et la plaque d’entrée a été dégradée, rapporte le quotidien régional, Le Progrès.
Dans la même ville, de nouveaux tags appelant aux meurtres sont apparus ce jeudi sur les murs de deux grands boulevards. Ces derniers sont signés par une « milice catholique »; « anti bico anti islam ». On peut y lire « dehors ou la mort » ou encore « la milice de Lyon revient pour tuer ». Une enquête a été ouverte et le préfet de région a fermement condamnés ces actes.
Du côté du CFCM, on condamne et souligne une nouvelle fois que la communauté est fortement touchée par cet attentat. « 34 musulmans, femmes, enfants et hommes » ont été tués, affirme Abdallah Zekri, président de l’Observatoire de l’islamophobie.
« Suite à ces événements il n’y a pas eu d’actes anti-musulmans disproportionnés. », relativise le responsable. « L’inquiétude, ce sont les réseaux sociaux qui se sont enflammés avec des appels aux meurtres de dirigeants musulmans en France et des gens qui appellent à la mobilisation pour régler les comptes aux mosquées salafistes. Ce sont des appels à la haine et à la vengeance comme si tous les musulmans étaient responsables », déplore Abdallah Zekri qui pointe du doigt la responsabilité des hommes politiques.
« Les discours prononcés suite à l’attentat sont lamentables et stigmatisants », explique le responsable. « À ce jour, je ne suis pas du tout convaincu qu’il s’agit d’un terroriste lié à Daech parce qu’on ne peut pas se radicaliser sous 48 heures. J’étais surpris que le président François Hollande parle de terrorisme islamique juste après l’attaque ».
Pour rappel, les actes anti-musulmans ont augmenté de 1172% après les attentats de janvier 2015 et de 30% après l’attaque du Bataclan en novembre 2015, selon les chiffres de l’Observatoire de l’islamophobie.
21 juillet 2016, Zahra Rahmouni
Source : tsa