mercredi 3 juillet 2024 10:21

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L’histoire culturelle des Maghrébins de France présentée sous un autre angle.

L’ouvrage collectif dirigé par Driss El Yazami, Yvan Gestaut et Naïma Yahi, intitulé Générations, un siècle d’histoire culturelle des Maghrébins en France, accompagne l’exposition du même nom qui se déroule à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration à Paris entre le 17 novembre 2009 et le 18 avril 2010. Le livre recèle une somme d’informations impressionnantes sur l’apport de l’immigration maghrébine à la terre d’accueil. Il embrasse différents domaines qui sortent des sentiers battus de la folklorisation et des clichés habituels, liés à la cuisine et à la musique. Les contributeurs, prestigieux pour la plupart, se sont efforcés de sérier l’excellence de cette immigration qui ne saurait être réduite à une main d’œuvre bon marché, mais soulignent une présence qui a fécondé la société française pour la tirer vers le haut. Driss El Yazami rappelle en exergue l’ambition assignée à l’ouvrage et à l’exposition en ces termes : « Revisiter les principales séquences historiques du siècle, les deux guerres mondiales, le front populaire ou la période des trente glorieuses, du point de vue des Maghrébins, à travers les pratiques culturelles, la vie intellectuelle et la créativité artistique. Le militantisme social et le nationalisme maghrébin, la chanson de l’exil, la littérature de langue française, la peinture ou le cinéma sont autant d’aspects à découvrir. »

C’est dans cette perspective que s’inscrit la contribution de l’historien algérien, Mohamed Harbi, sur le militantisme social et le nationalisme. Il rappelle que la proximité des travailleurs immigrés avec les luttes syndicales et les formations de gauche a aidé le nationalisme embryonnaire d’après la Première Guerre mondiale à prendre de l’ampleur pour aboutir à la revendication des indépendances nationales. La liberté retrouvée, Mohamed Harbi embraye sur le mythe du retour au pays natal qui est demeuré comme un vœu pieux pour la plupart. Les causes sont liées, selon Harbi, au regroupement familial et aux échecs des politiques de développement des pays d’origine. Cette situation de non-retour a produit un enracinement en France, avec une évolution vers des activités économiques plus lucratives. Ainsi, beaucoup d’immigrés ont choisi le petit commerce, rompant avec le dur prolétariat des débuts. Le petit commerce est devenu une véritable institution économique qui fait vivre des centaines de milliers de familles en rendant service, lorsque tout est fermé selon l’expression consacrée. A côté de ces réussites économiques, on peut également repérer des fulgurances intellectuelles et artistiques. Il est difficile de les énumérer, mais on retiendra peut- être pour la littérature l’entrée de Assia Djebar à l’Académie française, l’apparition sur la scène de Faïza Guène avec ses romans pétillants et l’inscription dans la durée de la revue Algérie-littérature action. Cette population prouve, par son dynamisme permanent, qu’elle est digne d’être respectée et que les discours d’exclusion, qui font florès ici ou là, relèvent de la pathologie politique.

Générations, Un Siècle d’histoire culturelle des Maghrébins en France, sous la direction de Driss El Yazami, Yvan Gastaut et Naïma Yahi, Gallimard, 2009

Source : Al Watan

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