Le phénomène de la migration des personnes entre les provinces a fait l'objet de maintes recherches au cours des dernières années au Canada. En juin dernier, moi et mes collègues Jason Clemens et Joel Emes avons voulu à notre tour examiner la question, en publiant une étude longitudinale sur les tendances migratoires des Canadiens depuis le début des années 1970. Il est pertinent de revenir sur les principaux constats de ce rapport, d'autant plus qu'il a suscité de nombreuses réactions.
Notre étude a notamment montré que le Québec a été la province ayant cumulé le déficit migratoire le plus élevé de toutes les provinces en perdant un total net de 582 470 résidents entre 1971-1972 et 2014-2015. Le nombre de Québécois ayant décidé de quitter la province annuellement a ainsi dépassé en moyenne de 13 238 le nombre de personnes provenant d'autres provinces qui ont choisi de s'établir au Québec.
Les données compilées ont également fait ressortir que c'est le Québec, à l'échelle du Canada, qui détient la moins grande capacité à attirer les personnes provenant des autres provinces, et de loin. En fait, le Québec a connu une migration entrante moyenne de 3,5 personnes par 1 000 habitants au cours de la période étudiée. L'Ontario, la province ayant obtenu le second résultat le moins élevé, a connu une migration entrante de 7,5 personnes par millier de population.
Évidemment, plusieurs provinces ont connu des épisodes de migration déficitaires répétées durant les quatre dernières décennies, comme l'a révélé notre étude. C'est notamment le cas des provinces maritimes et celles des Prairies. La majorité des migrants ont choisi d'élire domicile dans les régions leur offrant de meilleures opportunités d'emploi, en particulier en Alberta et en Colombie-Britannique.
La migration sortante nette du Québec tend à toucher davantage les plus jeunes.
Le Québec est cependant la seule province à avoir affiché un déficit migratoire au niveau interprovincial à chaque année depuis près d'un demi-siècle. Ce constat est d'autant plus préoccupant que la migration sortante nette du Québec tend à toucher davantage les plus jeunes, soit ceux âgés de 20 à 44 ans, qui en sont aux premiers stades de leur carrière. En fait, un peu plus des deux tiers du déficit migratoire cumulé du Québec résulte de l'incapacité de la province à attirer et retenir les personnes de ce groupe d'âge.
Les facteurs derrière la migration
Comme nous l'avons mentionné dans un article récent, plusieurs raisons ont été évoquées au fil du temps pour expliquer les flux migratoires entre les provinces canadiennes.
La prédominance du français au Québec, de même que son contexte politique ont été identifiés à quelques reprises comme étant des obstacles à la venue de migrants. Mais il s'agit de facteurs parmi d'autres. La plupart des chercheurs s'étant penchés sur cette question ont plutôt conclu que les disparités au chapitre des taux d'emploi et des revenus disponibles des ménages constituaient les principaux déterminants.
Certains commentateurs ont contesté ces faits, déplorant du même coup que les migrations intérieures soient abordées sous l'angle économique. Il est pourtant manifeste que le contexte actuel de l'économie québécoise, marqué par un fardeau fiscal élevé qui nuit à l'emploi et abaisse le revenu disponible, n'est pas de nature à encourager l'arrivée de migrants, bien au contraire. La littérature empirique l'a montré à maintes reprises, tant au Canada, aux États-Unis qu'en Europe.
Cette incapacité à attirer les gens de l'extérieur constitue un signe de l'existence d'un problème de fond au Québec, qui ne sera résolu qu'à condition d'être pleinement reconnu, et au moyen de politiques publiques favorisant la croissance économique et l'emploi. Chose certaine, nier le problème ne le fera pas disparaître.
03/08/2016, Yanick Labrie
Source : huffingtonpost.ca