mercredi 3 juillet 2024 12:30

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En Suisse, le destin précaire des milliers de travailleurs contraints à l’illégalité

Le "rêve suisse" ne cesse de germer dans les esprits par l’image que le pays donne de lui-même comme terre d’accueil où la qualité de vie et de travail ne se dément pas. Preuve en est le grand nombre de celles et ceux qui songent à tout prix à y mettre le pied, quitte à se lancer dans un travail au noir.

C’est sans compter avec le quotidien d’au moins 70.000 travailleurs sans papiers qui, en partie, s’organisent de manière progressive pour réclamer la régularisation de leur situation. Les ouvriers clandestins exercent surtout dans des secteurs qui ne peuvent pas être délocalisés : ménages privés, restauration, hôtellerie, agriculture et construction, d’après une étude du secrétariat d’État aux migrations. Selon les estimations d’experts, cette économie souterraine équivaudrait à un manque à gagner pour le pays helvétique de plus de 50 milliards de dollars chaque année, soit l'équivalent de 10 pc du PIB. C’est pourquoi justement le parlement a adopté une loi sévère contre ceux qui s’adonnent au travail au noir, une pratique pernicieuse, qui, "non seulement met en cause la protection des travailleurs et prive l’État de moyens, mais en plus pénalise les employeurs honnêtes". Mais pour les "victimes" elles-mêmes, la question n’est pas aussi tranchée comme pourrait le laisser croire leur situation jugée fragile par rapport à d’autres catégories de travailleurs.

Sing, 35 ans, employé non déclaré dans un restaurant à Genève spécialisé dans les cuisines orientales et indiennes, gagne 100 francs (103 dollars) pour chaque jour de travail. "J’ai passé cinq ans en Suisse où j’ai exercé dans trois restaurants, sans pouvoir vraiment me sentir stable", confie à la MAP ce ressortissant indien dont l’ambition est de pouvoir un jour monter son propre "business" au pays d’origine. Avant de se lancer dans l’aventure de la clandestinité, il a cherché à son arrivée un poste de travailleur temporaire ou saisonnier puisqu’il ne pouvait pas prétendre à plus en sa qualité d’étudiant à l’époque. Il se tourne après des débuts peu heureux vers la restauration parce que c’est tout simplement le métier qu’il croit maîtriser le mieux, et ce dans l’attente de jours meilleurs.

La jeune guyanienne Candi ne partage absolument pas cet avis puisqu’elle ne regrette guère d’avoir accepté de travailler comme une aide de maison en toute illégalité. "C’est une manière pour moi de prêter main forte à ma famille dans un milieu qui, malgré l’absence de contrat légal, me procure suffisamment d’avantages", affirme cette femme de 28 ans. Elle raconte, non sans peine, les difficultés rencontrées lorsqu’elle cherchait pendant des années un emploi dans son pays. Parmi les travailleurs de l’ombre, il y a à peine 20 pc qui ont eu une autorisation de séjour, mais dont la durée de validité a déjà expiré, selon les résultats d’une enquête sur les sans-papiers commandée par les autorités.

De l’avis des auteurs de cette étude, il s’agit de personnes socialement et professionnellement mieux intégrées que d’autres, "ce qui en même temps explique le fait qu’elles soient moins visibles". C’est le cas d’Ahmed (29 ans), arrivé il y a deux ans de Syrie en tant que demandeur d’asile et qui vit depuis avec un proche qu’il aide à gérer une épicerie. Il indique avoir désormais comme priorité de se lancer, avec l’aide de la famille, dans une activité commerciale de proximité, encouragé par la présence d’une importante minorité arabo-musulmane. "Mon souhait de tous les jours est de régulariser ma situation et de sortir de la clandestinité", lance le jeune syrien qui semble être sur la voie de réussir son intégration professionnelle après qu’il eut obtenu une autorisation de travailler.

Petit à petit, les collectifs de sans-papiers commencent à s’organiser pour demander aux autorités d’apporter une solution à la problématique des employés au noir en leur fournissant sans formalités des permis de travail et de séjour. Une tâche qui s’avère assez délicate au regard de la montée en force des partis populistes et d’extrême droite dont le discours anti-immigrés et anti-libre circulation ne laisse pas indifférents les électeurs.

04/08/2016,Abdellah CHAHBOUN

Source : MAP

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