Ils sont près de 800 000 juifs d’origine marocaine à vivre en Israël, dénombre le ministre de l’Intérieur Mohamed Hassad. La plupart d’entre eux sont encore attachés à leurs origines et à la culture marocaine, comme l’artiste israélienne Neta Elkayam. Originaire de Tinghir, la chanteuse est restée fidèle à son patrimoine et veille à présenter des chansons inspirées du Maroc en darija. Retour sur la place qu’occupe le Maroc auprès de Neta El Kayam, ses origines et ses projets. Entretien.
Vous résidez en Israël mais vous êtes Marocaine. Quelles sont vos origines et que représente le Maroc pour vous ?
Mes ascendants viennent de la région de Tinghir pour mon père et de Casablanca pour ma mère. Pour cette dernière, elle est originaire de la région d’Iligh (sud-est de Tiznit, ndlr) au sud du Maroc. Le Maroc représente pour nous, et spécialement pour moi, une manifestation de toutes les images qui représentent mes grands-parents et qui sont un lien entre moi et mon appartenance à l’identité et l’histoire juives et marocaines. Le Maroc est aussi l’une des plus hautes manifestations de la coexistence entre les religions et le pluralisme des cultures.
Que vous vient-il à l’esprit lorsque vous pensez au Maroc ?
Le fait de penser au Maroc m’inspire et m’évoque toutes sortes d'arts antiques, exceptionnels et encore présents à ce jour dans chaque allée, dans chaque ruelle. Ce pays m’évoque aussi la musique spirituelle qui module les sentiments des Marocains dans les maisons, les mosquées, les zaouïas, les places populaires et dans les rues.
Je pense aussi, toujours et à jamais, à la magnifique nature du Maroc, une nature diversifiée qui change avec les saisons, mettant l'accent sur ma passion pour la beauté du désert marocain qui enrichit mon dialogue spirituel avec le reste de l'histoire de mes ancêtres.
Vos origines marocaines sont-elles sources de discriminations en Israël ?
Pour le racisme, je peux vous dire qu’en général, l’ensemble des juifs d’origine marocaine ont toujours vécu sous un regard discriminatoire et méprisant de la part du système politique du gouvernement israélien. Cette discrimination, qui a débuté depuis notre migration, est toujours présente.
Ce que je constate depuis les dernières années, c’est qu’il y a un changement au niveau des idées et des mentalités des citoyens qui vivent en Israël aujourd’hui, convaincus qu’ils appartiennent au Moyen-Orient et que leur mentalité est ancrée à ses origines et ses racines anciennes. En bref, la marginalisation de notre histoire et de nos traditions existe toujours. Toutefois, la perte des vieilles personnes pousse aujourd’hui les jeunes de la nouvelle génération à préserver leur identité. Chacun de nous tente de participer à cette préservation en utilisant ses talents artistiques ou son savoir scientifique. Moi-même je travaille dur pour chanter la musique marocaine.
Vous chantez en darija. Vos chansons sont-elles populaires en Israël ?
Mes chansons en darija marocaine sont très populaires. J’ai même participé et je continue de participer à des festivals, des soirées et des concerts notamment avec l'orchestre philarmonique andalou à Jérusalem. Ce qui a contribué à accroître ma réputation, ce sont mes expériences lors desquelles j’ai chanté aux côtés de grands artistes maghrébins en Israël à l’instar de Maurice El Mediouni, Raymonde El Bidaouia, Nino Elmaghribi et Robert Sghir.
Ne pensez-vous pas venir chanter au Maroc ou visiter le royaume ?
J’ai participé à deux reprises au Festival des Andalousies Atlantiques et je suis actuellement en train de préparer l’Atlas Dream Project pour l’association Hiba et Karim Tayssir. C’est la preuve de ma volonté de venir faire des concerts et des soirées au Maroc. J’ai déjà visité le Maroc plusieurs fois. Mon dernier voyage, c’était pour le tournage de la deuxième saison du film marocain de Kamal Hachkar (intitulé « Retour au pays natal », il fait suite au documentaire « Tinghir-Jérusalem », ndlr) en compagnie de mon mari, originaire du Maroc et de la Tunisie.
08/08/2016, Youssef Dahmani
Source : Yabiladi